Courrier des lecteurs Politis 936

Politis  • 25 janvier 2007 abonné·es

Lettre ouverte à Olivier Besancenot

Plus de dix mille militantes et militants, acteurs et actrices de la vie sociale, des élus aussi, des militants de la LCR, des Alternatifs, des Verts, du PCF, plus encore des militantes et militants de gauche sans carte, ont signé l’appel national « José Bové peut et doit être le candidat de l’alternative à gauche » !

Olivier, tu sais lire comme moi ! Derrière José Bové, une véritable base politique, militante et citoyenne, se rassemble sur un seul objectif :

une candidature de la gauche alternative et du mouvement social à la prochaine présidentielle.

Une occasion s’offre à toi : rattraper le temps perdu, oublier les malentendus, et surtout sortir de cette compétition suicidaire, stérile, absurde, dévastatrice, principalement entre la LCR et le PCF, mais aussi te différencier politiquement du PCF ! […]

Je sais que ta culture politique te permet de comprendre et, je l’espère, de réagir. Je ne m’adresse pas à Marie-George Buffet car, contrairement à la LCR, le PC, depuis toujours (sauf de 1947 à 1962, exception en 1956), a manié la posture tribunitienne dans les discours et la demande d’engagement de la part du PS de lui assurer une représentation nationale à l’Assemblée. Le positionnement « social-libéral » de la candidate socialiste n’est mieux dénoncé aujourd’hui par Buffet que pour, demain, dès le 1er tour de l’élection présidentielle, présenter Royal comme une issue à gauche, qui le sera d’autant plus que seront présents des ministres communistes au gouvernement et un bon groupe à l’Assemblée. Cela serait te faire injure que de croire que toi et ton organisation pensez la politique de cette manière.

Qu’il n’y ait pas de malentendu. Si Ségolène Royal l’emporte contre Sarkozy, et je l’espère, c’est la gauche qui l’emporte contre la droite conservatrice. Doit-on considérer pour autant que ce scénario, fort probable, puisse se dérouler sans qu’à gauche du PS il y ait autre chose que deux organisations sans influence ayant récolté respectivement 3 et 4 % ?

Aussi, je me permets de t’interpeller pour que tu prennes, que vous preniez la bonne décision. Préfères-tu être celui qui reste sourd, comme Buffet, à ce qui se passe, une surdité que l’on ramènera à l’unique préoccupation financière pour ton organisation ? Je sais, aussi, que l’élection présidentielle est importante et structure le paysage politique dans le cadre des institutions de la Ve République. Mais le retrait de Besancenot pour soutenir Bové et la masse de militants ne pourrait-il pas être l’événement de la précampagne, puis de la campagne ? Vous laisseriez Buffet recluse dans son identité communiste, portée par ce qui lui reste de parti. Elle aurait définitivement perdu la bataille, et toute sa légitimité à incarner autre chose que ce qu’elle est, la candidate du PC, serait purement et définitivement démentie.

Pour finir, je pense que toi et tes camarades vous pesez le pour et le contre. Certains de tes camarades pensent qu’il vaut mieux un Besancenot à 3 %, mais présent, qu’un Besancenot absent mais ayant permis à un autre candidat d’opérer une percée dans le champ de la reconstruction d’une gauche alternative, radicale. Ils ont tort ! Et des réseaux entiers de militants sont disposés à vous le faire comprendre le 22 avril prochain. Ton avenir politique et celui de la LCR ne peuvent tendre à être celui d’Arlette, candidate « sympathique » de 1974 à 2007. La LCR, par son engagement, son histoire, sa mémoire, ses réseaux, ses sympathisants, mérite mieux que de se cantonner à des bilans de trésorerie de campagne.

D’accord, cela ne sera pas simple ni tout lisse. Des difficultés se présenteront, mais les dividendes seront au rendez-vous. L’important, c’est de s’engager pour l’avenir, « être à gauche du possible », pas dans la solitude des lendemains.

Il te reste peu de temps pour rejoindre ce mouvement et y apporter ta sincérité, ton engagement, tes idées, ton humour et ta sympathique personnalité !

Gabriel Peyrot, sympathisant, Paris

Le Politis nouveau

Qu’est-ce qu’il veut, au juste, ce zozo de Vergt, à qui vous avez offert une pleine page du courrier (voir Politis n° 934) ? C’est un amateur de beaujolais nouveau ?

J’ai un peu l’impression de lire le genre littéraire, pompeux, creux et abscons, que nous connaissons bien, de nos « nouveaux philosophes » médiatiques.

C’est bien beau de critiquer, encore faudrait-il ce soit à bon escient ; mais je cherche, dans son texte, la moindre trace de suggestions, propositions positives pour ce que pourrait être ce « Politis nouveau ».

C’est peut-être dû à mon âge avancé, mais je l’aime bien tel qu’il est, notre Politis . Alors, renouvelez si besoin est, mais pas en rétrogradant.

Je n’en dis pas plus, pour ne pas monopoliser une pleine page du courrier. C’est plus agréable, une partition à plusieurs voix.

Jean-Pierre Mouvaux

Solidarité concrète

Merci et bravo, M. Jean-Paul Gachet, c’est si bon de lire un tel courrier (voir Politis n° 934). C’est aussi bon, mais en plus condensé, que de lire tous ces essais qui tentent de nous redonner confiance dans le monde et en nous-mêmes (la liste serait trop longue). Et, justement, ce courrier m’a fait penser à une intervention de Bernard Stiegler (<www.automatesintelligents.com>) : « Je crois qu’il faut organiser des mouvements citoyens, mais des mouvements qui ne soient pas constitués de protestataires. Il faut que de tels mouvements associent des gens de tous milieux, industriels, universitaires, scientifiques, et aussi des représentants des publics désireux de s’investir dans la construction de quelque chose de nouveau. »

Je ne voudrais cependant pas être d’un pessimisme noir et rabat-joie (ce que peu de gens sont capables de supporter), mais ce genre de réflexion, à la fois exigence péremptoire et voeu pieux, rejoint bon nombre de souhaits tout aussi généreux ou utopiques, alors que dans le même temps, au sein même des instances officiellement organisées et financées pour répondre, au moins en partie à ces exigences, il n’est pas possible d’organiser une dynamique cohérente, solidaire, si ce n’est déontologique, au service d’une mission envers un public (par définition service public), pas possible de se rassembler autour d’un consensus minimal dans la répartition pertinente et congruente (pour ne pas dire éthique) des tâches collectives, et bien sûr pas possible de se retrouver solidaires et efficaces autour d’une culture humaniste

(oh pardon !) et d’un engagement respectueux et soignant. Et ce alors même que ces structures sont dites soit de travail social, soit de soin, d’éducation, de pédagogie ou d’aide à la personne.

Comment ce qu’il n’a pas été possible de mettre en oeuvre dans un milieu professionnel habilité pour pourrait-il se faire par simple générosité spontanée, dût-elle « oeuvrer pour une société fraternelle, juste, conviviale » ou à une « solidarité concrète » (qui peut m’écrire une charte de la solidarité concrète ?)

On espère tant des collectifs et des mouvements citoyens, alors que, sauf à faire des sous-catégories, ce sont les citoyens eux-mêmes qui font leur propre malheur consumériste ou financier, qui grappillent des heures ou magouillent en fonction de leurs seuls intérêts immédiats, qui détournent des fonds et freinent le bien général… ne faisant en cela qu’imiter ceux qui les dirigent et donc ceux qu’ils ont élus !

Avant le « collectif citoyen », il y a soi. Avant la politique, il y a l’éthique, l’éthique de soi, celle qui permet le vivre ensemble, la convivialité, le partage et la juste gestion socio-politique. Car j’ajouterais volontiers à la longue liste « des questions qui epolitisent, dans le bon sens du terme, des pans entiers de notre vie sociale » : comment éduquons-nous ? Comment soignons-nous ? Comment échangeons-nous ? Comment nous considérons-nous ou nous jugeons-nous ? Comment nous aimons-nous ? Alors, oui, débattons, oui, réfléchissons sur les nouveaux « paradigmes »… en souhaitant que ce ne soient pas des paradigmes perdus.

Bruno Dechardek

La « Sarkozitude »

Il est en pleine forme, le petit Nicolas. C’est un plaisir de l’entendre. Il représentait déjà la droite et une bonne partie de l’extrême droite, l’écologie (l’autre Nicolas, à côté, c’est de la bibine, question engagement pour la protection de l’environnement et de la planète), voilà maintenant qu’il est aussi socialiste (si ce n’est plus) que Jaurès et Blum ! La semaine prochaine, il va nous vanter Lénine et Trotski, mettant ainsi hors jeu les Buffet, Besancenot et Laguiller. Dès que ses conseillers en com (c’est encore comme ça qu’on dit ? N’a-t-on pas déjà simplifié en « c », il faut faire bref, vu le coût de la seconde de pub à la télé) auront eu le temps de fouiller un peu dans les encyclopédies, il va nous faire l’éloge de Proudhon et de Bakounine. Après cela, je crois qu’il n’y aura plus qu’une chose à faire : le déclarer candidat du rassemblement (c’est son truc à lui, le rassemblement, il l’a fait breveter) de tous les Français passés, présents et à venir, et, en tant que tel, élu à l’unanimité des voix (moins la sienne, pour que ce soit vraiment démocratique), puisqu’il est le seul possible et qu’avec lui tout est possible. Cela éviterait des frais de tenue de scrutin et l’impression de centaines de millions de bulletins ­ les forêts nous en seraient reconnaissantes. Pas de doute, nous vivons une époque formidable, comme disait quelqu’un. Nous sommes entrés dans la « Sarkozy attitude » (commercialisée dans toutes les grandes surfaces politiques sous la marque déposée Sarkozitude), et l’histoire de l’humanité va pouvoir s’arrêter en 2007. Ouf, enfin ! Elle commençait à être fatiguée de devoir sans cesser fabriquer son histoire, l’humanité. Merci, Nicolas, d’accepter le lourd sacrifice d’être son sauveur universel et définitif.

Philippe Bouquet, Le Mans (Sarthe)

Politis persévérant

J e ne suis pas très contente. J’ai reçu aujourd’hui une pub pour le Monde diplomatique , tout comme j’avais reçu une pub pour Alternatives économiques . Non seulement c’est du papier pour rien (et le Monde diplo a fait fort : enveloppe à mon nom emballée avec un « spécimen » du journal dans un plastique), mais je n’aime pas ça, quand on m’apporte les choses (pire, en essayant de me donner envie avec un sac à dos si je m’abonne. Non, mais franchement ! Et si c’est par prélèvement automatique, j’ai une pochette pour ordinateur portable !). Hum…

Faites jamais ça, sinon j’vous boude ! Faire gagner des vélos, ça, c’est plus chouette !). […] Forcément, c’est à cause de mon abonnement à Politis . Je n’avais pas pensé à la diffusion de mes coordonnées. J’ai un droit de rectification : rectifiez donc et virez-moi de cette liste ! Ma boîte aux lettres est allergique aux pubs de tous bords, bouh !

En attendant, merci ! Pour un journal soucieux du respect des êtres humains et de l’écosystème (vous appelez ça « antilibéral » et « écologiste »), sérieux, avec des propos sans animosité mais jamais dénués de critique. Pour votre persévérance à rester indépendants malgré un environnement peu favorable. Pour votre ouverture : vous évoquez des journaux libertaires ou écolos plus radicaux, ça fait plaisir à voir. À ce propos, comment la Décroissance s’est (gentiment) foutu de votre gueule ! Cela m’avait fait rire, mais de voir que vous y avez fait référence dans un mini-article m’a encore plus fait marrer !

J’ai l’impression que vous remplissez votre rôle, concernant ce que j’attends d’un journal : ouvert à des lecteurs différents, à des idées différentes. Et si Jean-Paul Gachet, dans son courrier du n° 934, estimait que « vous semblez vouloir satisfaire tout le monde au lieu de prendre résolument parti » , je ne suis pas convaincue. D’un côté, je comprends sa position et j’avoue que parfois, oui, on a envie que vous preniez parti ; mais, d’un autre côté, je n’attends pas que Politis se range dans une presse « partisane » (sans connotation négative) ; quand je veux en lire, j’achète d’autres journaux, qui, au passage, sont moins faciles d’accès (je pense à des gens frileux, s’informant peu outre les JT) de par leur plume acerbe…

Politis , je n’hésite pas à le prêter autour de moi, pour ajouter à un autre type d’information. J’hésite beaucoup plus avec tout le reste de mes journaux… Pourtant, Politis est déjà « dérangeant » et déboussole.

Voilà une petite contribution de cervelle. Mon budget étudiant ne m’a pas permis de contribuer techniquement au sauvetage de Politis (quoique ce soit cet événement qui m’ait convaincue de m’abonner, eh eh !), mais le coeur y était ! Bonne continuation !

Océane Lefèvre, Lille

Courrier des lecteurs
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