Totalitarisme souriant

Christine Tréguier  • 24 janvier 2007 abonné·es

Les lauréats des « Big Brother Awards 2006 » (voir Politis n° 935) incarnent bien cette société de contrôle, plus sûre, plus juste ou plus tranquille, que les Français appellent, paraît-il, de leurs voeux. On les verrait bien alignés sur une affiche, façon trombinoscope, frappée du slogan : « Nos artisans du totalitarisme souriant ».
Parmi les nominés, Gilles de Robien,
ex-centriste convaincu des vertus du contrôle, qui semble oublier que la vocation de l’Éducation nationale n’est pas de mettre en place le premier fichage national des élèves ­ baptisé fichier Base-élèves ­ ni de faire entrer la police dans les établissements, mais d’oeuvrer à l’éveil des intelligences.

Puis Jacques Lebrot, zélé sous-préfet de Seine-Saint-Denis, à qui 3 500 salariés travaillant dans les zones sensibles de l’aéroport de Roissy doivent d’avoir perdu leur emploi. Et Pascal Clément, garde des Sceaux, dont on ne sait s’il méprise plus les détenus ­ même malades ­, les immigrés, les jeunes en difficultés ou la Constitution.

Et aussi une kyrielle de maires, chevilles ouvrières territoriales du « ministère de la Tranquillité ». Ces maires, placés au coeur du nouveau dispositif de prévention de la délinquance, qui ont à coeur de tout voir et de tout savoir. Les nominés de cette année ne sont que des exemples, parmi d’autres : François Baroin, maire de Troyes, qui requalifie et nettoie à la manière douce son centre-ville. Gérard Gaudron, maire sarkozyste d’Aulnay-sous-Bois, si fier de son logiciel de « cartographie de l’insécurité » , renseigné par les nouveaux « coproducteurs de la sécurité » :
police nationale et municipale, pompiers, bailleurs, transporteurs, chefs d’établissement scolaire, gardiens d’immeuble et d’espaces verts, travailleurs sociaux etc. Ou Paul Anselin, omnipotent maire de Ploërmel, avec ses caméras, son numéro Vert pour la délation et sa statue du pape.

Derrière ces visages, un autre se profile, suggéré mais pas montré, celui de Nicolas Sarkozy, ministre de l’Intérieur, nominé et distingué de façon constante aux BBA. Face aux trop nombreuses accusations retenues contre lui de « racolage actif et passif, d’exhibitionnisme, de voyeurisme, d’avoir discrédité l’autorité judiciaire et d’outrage à magistrat, d’être l’auteur de multiples atteintes à la vie privée et d’avoir activement promu la surveillance en général et le fichage en particulier » , le jury a préféré disqualifier ce multirécidiviste !

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