Candidats recherchent parrains désespérément…

Dominique Voynet, Olivier Besancenot, José Bové, Corinne Lepage mais aussi Nicolas Dupont-Aignan, Jean-Marie Le Pen ou Philippe de Villiers craignent de ne pouvoir obtenir les 500 signatures d’élus nécessaires.

Patrick Piro  et  Michel Soudais  • 22 février 2007 abonné·es
Candidats recherchent parrains désespérément…

La sélection promet d’être implacable. En début de semaine, on recensait 44 candidats déclarés à l’élection présidentielle. Dans trois semaines, les trois quarts d’entre eux ne seront vraisemblablement plus candidats. Ils auront été éliminés avant même de s’être présentés aux suffrages des électeurs, faute d’avoir obtenu les 500 parrainages d’élus nécessaires. Nicolas Sarkozy, François Bayrou, Ségolène Royal ou Marie-George Buffet n’ont rien à craindre. L’implantation de leur parti les met à l’abri de cette mésaventure. Mais aucun autre candidat n’est à l’abri d’un tel revers de fortune. Dès lors, ceux que l’on appelle les « petits candidats » n’ont qu’une obsession : achever au plus vite la chasse aux signatures de maires, conseillers généraux, régionaux, députés, sénateurs… Une course folle, qui gaspille l’énergie des militants et use les nerfs des candidats. Et qui pourrait bien s’avérer, cette année, plus éliminatoire que jamais.

Avec l’envoi, ce 22 février, par le gouvernement, des formulaires officiels de « présentation » aux quelque 45 000 élus autorisés à parrainer un candidat, le compte à rebours est enclenché. Il s’achève le 16 mars à 18 heures. Sans attendre cette phase officielle de collecte, la plupart des candidats se sont déjà mis en quête des précieux paraphes. Parfois depuis un an. Sans garantie de succès. Arlette Laguiller et Gérard Schivardi, le maire de Mailhac (Aude) et conseiller général, soutenu par le Parti des travailleurs, annoncent avoir passé la barre fatidique. Deux inconnus, Rachid Nekkaz, un candidat « apolitique » qui milite pour l’inscription obligatoire sur les listes électorales, et Jean-Philippe Allenbach, ancien dirigeant du Parti fédéraliste, revendiquent respectivement 517 et 737 « promesses » de signatures qu’il faut maintenant concrétiser. Car entre les promesses et les parrainages effectifs il y a 10 % de perte, assurent des vétérans de l’exercice.

Illustration - Candidats recherchent parrains désespérément...


FRANCE, Creully : lettre de parrainage dont cinq cent exemplaires signés doivent être nécessaires à chaque candidat à la présidence de la République pour valider la candidature. AFP /Mychele Daniau

D’où une certaine inquiétude dans l’entourage des candidats, qui, bien que plus connus, peinent à atteindre la barre fatidique. C’est le cas pour Olivier Besancenot (450 promesses), en course pourtant depuis juin 2006, José Bové (260 promesses après trois semaines), Dominique Voynet (437) Corinne Lepage (440) ou Nicolas Dupont-Aignan (425). Présent au deuxième tour en 2002, Jean-Marie Le Pen n’y échappe pas. Malgré 1,5 million d’euros engagés dans cette quête, soit « un cinquième des crédits de la campagne électorale » , précise-t-il, le président du FN affirme avoir récolté entre 460 et 500 promesses seulement. Lundi, il a donc lancé « un appel solennel » aux élus pour qu’ils lui donnent, « dans les meilleurs délais, les parrainages qui [lui] manquent » . Quelques heures plus tôt, Philippe de Villiers (440 promesses) l’avait fait aussi à la radio.

Bien que son embarras soit un classique des campagnes présidentielles, Jean-Marie Le Pen assure que « jamais cette formalité n’a été aussi difficile à remplir » . Signe que le problème est devenu plus aigu, c’est aussi le sentiment de l’équipe de Dominique Voynet. Depuis 1974 et la candidature de René Dumont, l’écologie politique a toujours un candidat à la présidentielle. En 2002, Noël Mamère avait obtenu de justesse ses 500 parrainages, mais la difficulté avait été attribuée au faible nombre d’élus Verts susceptibles de lui apporter ses signatures. En 2007, l’argument s’estompe : les écologistes disposent d’un potentiel de près de 200 signataires encartés. L’écologie a fait une entrée fracassante dans les thèmes de campagne, dans le sillage de la comète Nicolas Hulot. Et, à en croire les sondages, Dominique Voynet est considérée comme la meilleure candidate pour défendre les idées écologistes.

Pourtant, au cours de la dernière semaine, la candidate des Verts n’a engrangé que 15 nouvelles promesses. À son QG de campagne, un plan d’urgence est lancé. « Il serait impensable que Dominique Voynet soit empêchée de concourir ! » , s’élève Claude Taleb, son directeur de campagne.

Qu’est-ce qui empêche les maires d’accorder leur signature au candidat représentatif d’un courant politique significatif ? La peur d’un nouveau 21 avril ? Sûrement, quoique l’argument est « irrationnel, car la situation bien différente » , juge Claude Taleb. « Même lorsque Ségolène Royal était à 33 % des intentions de vote, poursuit-il, nous percevions cette réticence… »

La peur du qu’en dira-t-on est beaucoup plus prégnante : « À un an des municipales, beaucoup de petits maires redoutent les effets contre-productifs de la publicité faite autour de leur parrainage, qui est rendu public , note Claude Taleb *. C’est particulièrement vrai en milieu rural, où ils peuvent craindre de payer l’opposition des anti-Verts, plus bruyants qu’ailleurs. »* La même crainte conduit des maires à refuser aux pro-Bové de cautionner « quelqu’un qui détruit les cultures et le travail » .

Mais, de tous les obstacles rencontrés, celui qui frappe le plus les Verts, comme les militants de la LCR et les partisans de José Bové, c’est « le verrouillage absolu des appareils politiques, et du PS particulièrement » . Tous se sont entendus répondre : « Nous réservons les parrainages socialistes à notre candidate. » La lettre-circulaire de François Hollande, du 3 août, est bien appliquée. « De tous les départements remonte le même son de cloche » , atteste Clément Aumenier, en charge de centraliser les parrainages pour José Bové. En guise d’exemple, il pioche dans les derniers mails de ses correspondants locaux : « Dans l’Avesnois, les petits maires subissent la pression des élus du PS » , dit l’un. « Vous devriez orienter les journalistes en Haute-Loire » , écrit un autre qui évoque notamment le « chantage avoué ou perçu pour les subventions »

Difficile cependant d’avoir une preuve tangible de telles pratiques. Si, dans les Pyrénées-Orientales, le président du conseil général aurait écrit aux maires sur un papier à en-tête du PS, dans le département voisin de l’Hérault, où trois élus seulement ont promis leurs signatures à José Bové, ses chasseurs de parrainages ne peuvent que constater l’efficacité du verrouillage. Dans le Gers, où trois maires sur quatre sont agriculteurs, nombre d’entre eux ont déjà donné leur parrainage à Ségolène Royal voire à Marie-George Buffet, relève Jean Falco : « En 1988, à trois personnes, nous avions eu quatorze parrainages pour Pierre Juquin ; aujourd’hui, à huit personnes nous piétinons à une seule signature à ce jour. »

Lundi, dans une lettre ouverte à Ségolène Royal, deux porte-parole de José Bové, France Coumian et Yannis Youlountas, ont fait état des consignes publiques du PS à ses élus et du « chantage aux subventions » et des « pressions » opérés sur des élus « non encartés » par des membres du PS à la tête de collectivités territoriales. « Cette situation est dangereuse pour le débat démocratique » et « dangereuse pour toute la gauche » , qui « se priverait d’une partie de ses forces dès le premier tour, risquant de dissuader ces électeurs frustrés de participer au second » , poursuit cette missive, qui demande à Mme Royal d’ « intervenir pour lever cet embargo électoral » et prouver sa « volonté de rassembler le peuple et en particulier la gauche dans toute sa diversité » . Un appel du pied qui vaut mise en garde.

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