Courrier des lecteurs Politis 937

Politis  • 1 février 2007 abonné·es

Propagande

Dans sa tribune « Accès de chauvinisme » ( Politis, n° 934), Christine Delphy veut convaincre que préférer l’expression « droits de l’homme » à « droits humains » , c’est « laisser supposer que les droits humains en France seraient substantiellement différents de ceux des autres pays » , et c’est faire preuve de « chauvinisme » et de « communautarisme » .

Elle appuie essentiellement son argumentation sur cinq points.

La seule référence en la matière serait la version anglaise de la « Déclaration universelle des droits humains » des Nations unies de 1948 et des déclarations suivantes. […] Cette version utiliserait l’expression « human rights » dont la traduction exacte, littérale, serait « droits humains » et non « droits de l’homme ». » […] Bien traduire, ce n’est pas faire du mot à mot, mais reproduire dans une autre langue le sens d’origine, avec toutes les évocations associées. […]

En France (plutôt qu’en français), les droits de l’homme se réfèrent historiquement et culturellement à la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789. D’où le titre de la déclaration de 1948. Cette référence historique est essentielle, mais elle s’ancre dans une époque où les droits de l’homme ne concernaient que les adultes de sexe masculin. La langue accompagnant et marquant les évolutions sociales, il est sans doute nécessaire aujourd’hui de choisir une autre expression que « droits de l’homme », mais pas parce qu’il faudrait traduire littéralement une expression étrangère.

Christine Delphy nous assure ensuite que seuls les Français n’ont pas traduit littéralement « human rights ». […] Si les versions actuelles de la convention de 1948 utilisent bien l’équivalent littéral des « droits humains » en italien, en espagnol, en portugais, en tchèque ou en occitan du Languedoc, elles utilisent l’équivalent littéral des « droits de l’homme » en français et en occitan d’Auvergne. En allemand, en hollandais, en russe, en bulgare, en serbe et en croate, elles emploient un terme signifiant la personne humaine ( Mensch, mens, tchelovek …) qui n’a pas d’équivalent en français.[…]

Christine Delphy estime qu’on ne doit pas employer l’expression « anglo-saxonne » « parce qu’elle est raciste, caractérisant une fédération linguistique de façon ethnique » . Elle confond les expressions « anglo-saxon » et « anglophone », et elle réduit la première à son sens ethnique. Si « anglo-saxon » a bien un sens ethnique, ce terme évoque aussi la civilisation britannique, ainsi que des orientations politiques récentes, néolibérales ou axées sur l’individu, et qui sont défendues, entre autres, par des élites de culture anglo-saxonne. L’argument de l’auteur est donc aberrant. L’universalisme, opposé au communautarisme et au chauvinisme, consisterait à traduire les « human rights » en leur équivalent littéral […]. Or la plupart des membres de la FIDH des pays francophones disent « droits de l’homme », la plupart des membres hispanophones « derechos humanos » et la plupart des membres des pays anglophones « human rights » . Mais pas tous, avec parfois d’autres expressions comme « derechos del pueblo » au Chili, « droits des personnes » au Rwanda. Encore une contre-vérité…

Christine Delphy refuse enfin d’utiliser le terme « homme », car, si « l’homme » incluait les femmes dans l’expression droits de l’homme, cela n’est pas généralisable […]. Elle n’a sans doute jamais entendu parler des mots polysémiques, […] pour lesquels le sens exact dépend du contexte. On reste confondu devant un tel simplisme. […]

Cela n’invalide en rien la conclusion de l’article, ou plutôt son a priori de départ : l’expression « droits de l’homme » est connotée sexuellement et devrait être remplacée. Il eût été utile d’explorer ce qu’il y a dans l’expression « droits de l’homme », de montrer que la prépondérance du masculin n’est pas un des fondements de la langue française, mais un choix effectué au XVIIe siècle, d’explorer les interactions qui existent entre le langage et les attitudes sociales. La situation est différente selon les langues et, pour une même langue, selon les pays qui n’ont pas tous les mêmes références. En français sont envisageables « droits de l’homme », « droits de la personne », « droits de la personne humaine », « droits humains » ou « droits de l’être humain » […]. Faire le point sur cette question serait utile, mais sérieusement et pas à coup d’arguments de basse propagande. […]

Robert Joumard, Bron (Rhône)

Solidarité avec Kokopelli

S’il vous plaît, pensez aux ploucs comme moi qui n’ont pas Internet ! […] Dès la lecture de votre information sur l’amende exorbitante infligée à Kokopelli, j’ai fait un chèque, mais je n’avais pas l’adresse. J’ai dû téléphoner, cela m’a fait râler.

J’en profite pour vous dire la passion que je porte (comme d’autres peut-être) au problème des semences paysannes, c’est-à-dire des semences non trafiquées, qui risquent de disparaître. C’est quand même un peu fort !

Marie-Jo Guicciardi, La Valette (Var)

Espoir

Un immense merci aux signataires de la pétition sur le site unisavecbové.org, ainsi qu’aux délégués des collectifs antilibéraux réunis ce week-end à Montreuil.

Mettant de côté leurs désaccords sur tel ou tel mot d’un texte, telle ou telle stratégie d’organisation, ils ont préservé l’essentiel : l’existence d’une force de proposition pour la construction d’une société plus humaine.

Ils ont rendu l’espoir à des dizaines de milliers de citoyens qui auraient vécu avec une énorme frustration la campagne électorale. Une dynamique est en marche, luttons ensemble pour que rien ne l’arrête et qu’elle s’amplifie dans les mois qui viennent !

Didier Hocmert, Ronchin (Nord)

Non à la régression

J’ai déjà eu l’occasion de dire à Bernard Langlois que ce qui était bien avec Politis , c’était le journal lui-même mais aussi ses lecteurs. J’ai été vivement choquée par son propos en référence à Habermas. […] Aussi ai-je apprécié le courrier des lecteurs du n° 935 de Politis . Merci à Bruno Dechardek d’écrire, mieux que je ne l’aurais fait, ce qu’il faut dire haut et fort : « La religion est intrinsèquement exclusive d’une autre et ne peut donc être naturellement tolérante, même si chacune prétend le contraire […]. » Et, de fait, Bernard Langlois met sur le même plan des faits et des positions qui n’ont rien à voir.

Merci aussi à Christine Tasin. Oui, refusons la régression, en particulier pour les femmes. Je vis dans la vieille ville de Brignolles, mes voisins sont maghrébins, mes élèves sont de nouveaux arrivants, en majorité d’origine maghrébine (20 sur 21). Je m’occupe en effet du dispositif d’accueil de ces élèves dans mon collège et leur enseigne le français. Sur quelques années, je constate la régression de la situation des femmes et des filles. C’est un constat. Mes élèves elles-mêmes mesurent l’enjeu et forcent mon admiration pour leur ténacité, leur détermination à continuer leurs études et à sortir de l’enfermement.

Annie Aubrun, Brignoles (Haute-Vienne)

Le Dakar

J’ai vu, dans un reportage à la télévision, des voitures rouler sur des arbrisseaux et des plantes. […] Cela montre le sans-gêne de tous les concurrents, qui ne se posent aucune question sur le bien-fondé de leur passion. J’ai vu aussi un automobiliste en panne sortir des pièces de son moteur et les tremper dans un bassin d’eau, qui se trouvait là, après un pompage certainement difficile, non pas pour des fadas de voitures et de motos, mais pour les populations et les troupeaux ! Que disent les journalistes dans leurs commentaires ? Rien. Ils ne voient rien, ils ne réfléchissent à rien et surtout pas aux conséquences néfastes du passage du Dakar.

Ce serait une bonne idée de faire en France ce rallye dont personne ne veut. Mais ce serait encore plus marrant de faire débarquer à Marseille 100 éléphants et 100 girafes, à qui l’on ferait faire un circuit en leur laissant brouter les arbres, les prés et les vignes, abîmer les routes et provoquer des embouteillages. Que dirait Luc Alphand, par exemple, si des éléphants allaient salir sa pelouse et les rues de son village ? […]

Le rallye de Monte-Carlo va passer dans les Cévennes, et de nombreuses voix s’élèvent contre. A-t-on du carburant à dépenser ? A-t-on le droit d’aller polluer les autres ?

Élise Courtial, Carpentras (Vaucluse)

Courrier des lecteurs
Temps de lecture : 7 minutes