Courrier des lecteurs Politis 938

Politis  • 8 février 2007 abonné·es

Tous dans la rue~!

Nous sommes plus de 30 000 à avoir signé l’appel « José Bové peut et doit être le candidat de l’alternative à gauche ! ». Nous avons été nombreux, les 20 et 21 janvier, à nous rendre de tous les coins de France à Montreuil pour réclamer une candidature qui saurait répondre à nos attentes. Une candidature des défavorisés et de tous ceux qui vivent dans la crainte de le devenir. Une candidature des sans-logis et de tous ceux qui craignent de le devenir. Une candidature des sans-emploi et de tous ceux qui craignent de perdre leur emploi. Une candidature des parents qui s’inquiètent pour l’avenir de leurs enfants et de leurs petits-enfants. Une candidature de tous ceux qui refusent la violence de ce monde dominé par la tyrannie du marché.

José Bové s’est dit prêt à répondre à cet appel, en privilégiant clairement l’unité. Il propose une campagne dont nous serons tous les acteurs et les metteurs en scène. Il souhaite que le mouvement de signatures débuté le 6 janvier 2007 s’amplifie. Quecette goutte d’eau tombée le 6 janvier devienne une déferlante et envahisse les foyers, les rues, les marchés. Pas pour légitimer José Bové ou ceux qui ont lancé le mouvement « unisavecbové », mais pour démontrer que c’est du plus profond de la France que monte cette volonté de résister. S’opposer ne suffit plus : il faut agir ensemble. Agir pour changer la donne. Agir pour que l’économie soit au service de l’homme et pas le contraire. Agir pour un développement respectueux de l’humanité et de l’environnement. Agir pour un monde juste et solidaire.

Pour cela, il nous faut diffuser partout l’appel national pour la candidature collective de José Bové. Faisons signer nos parents, nos amis, nos voisins, nos collègues de travail, nos connaissances, toutes nos relations. Allons sur les marchés, sur les campus universitaires, dans les cafés, chez l’épicier, le boucher et à LaPoste. Allons aussi là où la misère et la révolte se font le plus sentir : à l’entrée des magasins « hard-discount », dans les cités, devant les ANPE et les Assedic.

Cessons d’être passifs, mobilisons-nous, joignons à la protestation l’action citoyenne pour que cette vague populaire de toutes les couleurs porte toujours plus loin notre espoir de changer les choses. C’est le moment. Ne ratons pas cette occasion historique. Descendons tous dans la rue pour faire signer l’appel

Grégory Bourre (courrier électronique)

J’enrage…

Il semblerait que personne n’ait encore trouvé le bon mot « positif » à opposer à « antilibéralisme ». Mais l’entretien avec Philippe Corcuff, qui prône l’invention d’une nouvelle société « non capitaliste » , m’a fait penser au beau terme d’« humanisme ». Ne pourrait-on pas le remettre au goût du jour ? Placer l’être humain au centre de toutes problématiques me paraît plus enthousiasmant que d’y mettre le « marché ».

Je pense toutefois que nous ne devons pas être naïfs ou aveugles. Le« marché » a toujours existé, tout comme le capitalisme, et vouloir l’anéantir me semble bien vain. Mais, puisqu’il […] y aura toujours des « dominants » et des « dominés », pour parvenir à une nouvelle société nous devons trouver le moyen de faire rétribuer les dominés par les dominants. Ce qui est loin d’être le cas dans nos sociétés dites libérales, que je qualifie, moi, de capitalistes.

Après le capitalisme « paternaliste », qui, avec ses défauts, restait « humain » […] ­ quand on disait en levant sa casquette, en arrivant à l’usine à 4 heures du matin : « Bonjour M. Louis » (Lepoutre par exemple), lequel Louis connaissait ses ouvriers par leur prénom et s’enquerrait de leur famille ­, nous avons aujourd’hui un capitalisme dit libéral, totalement déshumanisé. Quel salarié d’aujourd’hui connaît son patron et peut lui dire : « Bonjour M. Gérard » (Mulliez par exemple) ?

En moins de deux siècles, nous sommes également passés d’un capitalisme « productif » à un capitalisme « financier », qui se préoccupe non pas de l’avenir mais du profit immédiat au détriment même de l’avenir.

Ce capitalisme financier dit libéral se nourrit de lui-même, certes, mais en plus il épuise (outre les ressources naturelles de la planète) les ressources publiques provenant de l’impôt ! Qu’on en juge : une entreprise, pour s’implanter (ou même rester en place), exige des fonds publics, et, pour fonctionner, des « aides » de l’État pour payer les salaires… C’est pas beau, ça ?

Par ailleurs, avec ces mêmes aides, s’ouvrent des supermarchés qui vendent les produits fournis par les entreprises (circuits courts !) et où les clients (qui ne peuvent aller ailleurs) paient avec des crédits fournis par les mêmes entreprises… C’est pas beau, ça ?

En gros, les capitaux sont rétribués trois fois : par l’impôt, par la vente et par le crédit. Et qui paie ? Vous avez deviné, bien sûr : nous.

Comment sortir de ce piège ? Je pense que seul un revenu d’existence pourrait résoudre la question. Mais, apparemment, plus personne n’en parle, même pas chez Attac (pourtant créé pour, non ?). Et, bien évidemment, les capitalistes en sont ravis.

Bien que plus à l’aise que beaucoup d’entre nous, j’enrage, mais… je ne suis pas capitaliste.

Pierre Mazurelle

**La virgule de *Politis

Je m’attriste de la perte de la virgule du titre du journal, même si diverses améliorations et l’humour de Jamel Debbouze consolent un peu… […]

La virgule de feu « Politis, » faisait sens. Celui d’ouvrir à l’autre, à l’avenir, à l’audace, à l’imagination, à l’espoir. Et je redoute que votre modernisation rime avec normalisation. Celle d’occuper une petite case provisoire, d’une contestation « soft », comme il y en a tant. J’espère me tromper.

Rémi Begouen, Saint-Nazaire (Loire-Atlantique)

Nouvelle formule

Bravo pour la nouvelle présentation, beaucoup plus claire et lisible (surtout pour les vieux schnocks à la vue un peu basse comme moi).

Attention : vous allez devenir un… vrai magazine. Sans « pipoles », j’espère (c’est comme ça qu’on dit maintenant, j’ai vu dans le métro qu’il y a des « vidéos pipoles » sur le marché, on n’arrête pas le progrès… linguistique), hein ?

Philippe Bouquet, Le Mans (Sarthe)

Une nécessaire révolution éthique

À l’approche des échéances électorales, voilà que nos divers candidats se drapent dans leur tenue de camouflage écologiquement correcte pour nous promettre quelques mesurettes homéopathiques censées inverser le cours de l’histoire, après un demi-siècle de culte de la croissance. Ils invoquent tous le « développement durable », un concept insipide fabriqué à la Conférence mondiale de Stockholm en 1972 pour revêtir le libéralisme triomphant d’un voile pudique de bonne conscience, fleurant bon la démagogie et l’opportunisme. Le succès de Nicolas Hulot est révélateur de ce consensus mou d’un écologisme édulcoré qui feint de découvrir l’ampleur des enjeux. Pourtant, en 1908 déjà, Theodore Roosevelt écrivait : « Le temps est venu d’envisager sérieusement ce qui arrivera quand nos forêts ne seront plus, quand le charbon, le fer et le pétrole seront épuisés, quand le sol aura encore été appauvri et lessivé vers les fleuves, polluant les eaux et dénudant les champs… »

Or, tout se passe désormais comme si notre société occidentale du « prêt-à-consommer » et du « toujours plus », asservie par des besoins exponentiels, n’avait d’autre choix que d’accepter la rupture radicale avec la marchandisation du vivant en s’engageant résolument dans la voie de la sobriété et de la frugalité librement consenties. Cette révolution éthique sera d’ailleurs bientôt imposée par l’extension vertigineuse de l’empreinte écologique […]. Celle de l’humanité, dans sa globalité, a doublé depuis 1970 et dépasse déjà de 20 % la biocapacité de la terre. En France, elle est d’environ 6 ha par an, soit le double des ressources disponibles. Àforce de vivre à crédit, nous voilà à présent en situation de dette écologique ! Trois secteurs économiques cumulent les principaux facteurs de gaspillage : le complexe militaro-industriel, dont Dwight Eisenhower disait déjà en 1953 : « Le monde en armes ne dépense pas seulement de l’argent, il dépense aussi la sueur des travailleurs, le génie des scientifiques et les espoirs de ses enfants » ; la politique calamiteuse des transports, avec la tyrannie du mythe individualiste de l’automobile ( « le pire des désastres de l’humanité » *, selon Winston Churchill) ; et les aberrations de l’agriculture intensive et mondialisée, qui font que 9 000 litres d’eau sont nécessaires pour produire un kilogramme de viande et qu’une seule calorie d’un agrume importé d’Afrique du Sud consomme 60 calories de carburant avant d’être acheminée sur l’étal de nos hypermarchés.*

Cet impératif de la décroissance suppose bien sûr l’extinction inéluctable du capitalisme, véritable arme de destruction massive qui génère le productivisme effréné au Nord et impose sa dépendance mortifère au Sud. Sicco Mansholt (président de la Commission européenne de 1972 à 1973) affirmait déjà : « Pour que l’humanité survive, il faut que le capitalisme meure. » Puissions-nous retrouver, dans la confiance et la dignité, les véritables valeurs de l’humanisme que sont l’altruisme, la coopération, l’hospitalité, l’humilité dans une civilisation d’entraide et de satiété. Alors seulement, un autre monde sera vraiment possible.

Hubert Martin, adjoint au maire de Linthal (Haut-Rhin)

Soyons lucides !

Il paraît que l’erreur de Ségolène Royal sur le nombre de sous-marins nucléaires français peut être considérée comme un impair… Moi, ça tendrait plutôt à me la rendre sympathique ! Car, enfin, si la société française a du souci à se faire pour son avenir, s’il est bien vrai que de lourdes menaces pèsent sur celui-ci, je ne crois pas que tout notre arsenal nucléaire y puisse quelque chose. Que pourrait-il contre l’effet de serre ? Contre la désespérance des exclus, des chômeurs, des jeunes de banlieue ? Contre l’épuisement des énergies fossiles ? Contre « ces maladies créées par l’homme » (Pr Belpomme) ? Soyons lucides, et invitons les candidats au fauteuil de l’Élysée à l’être aussi.

Oui, nos générations seront très bientôt confrontées à des problèmes absolument majeurs, et ceux-ci devraient être au centre des préoccupations de tous les prétendants à une responsabilité, quelle qu’elle soit.

Non, bien sûr, tous ces imbéciles hochets de la vanité des militaristes n’y pourront rien ! Et, pour s’en préoccuper, il faut ne pas voir plus loin que le bout de son nez…

Ce qui laisse entière la question : « Qui se montrera digne de mon bulletin de vote ? »

Louis Pinsard, Sermange (Jura)

Une question centrale

Très admiratif de la culture politico-philosophique de Jean-Paul Gachet (courrier des lecteurs du Politis n° 934), qui se montre très exigeant vis-à-vis de Politis . Eh oui, quand on trouve ­ enfin ­ un magazine qui nourrit sa réflexion avec rigueur et honnêteté, on devient de plus en plus critique.

Manifestement, ce lecteur n’a pas attendu Politis pour construire cette culture. Mais je crois n’être pas le seul pour lequel Politis est devenu nécessaire pour nourrir sa réflexion. C’est pourquoi je n’attends surtout pas de ce magazine qu’il me serve de « boussole », c’est-à-dire qu’il m’indique une « ligne », mais qu’il reste bien ce « lieu d’ouverture et de débat » , donc de confrontation de points de vue. Je trouve rarement cette aide auprès de la plupart de vos économistes à contre-courant, qui affirment davantage qu’ils ne démontrent, et sont pour le moins très piètres pédagogues.

Je suis étonné que dans l’inventaire panoramique que dresse M. Gachet des « questions fondamentales qui repolitisent, dans le bons sens du terme, des pans entiers de notre vie sociale » ne figure pas l’une des principales à mes yeux: « Comment nous formons-nous? Et quelle éducation donnons-nous à nos enfants? » Ce qui renvoie d’ailleurs à l’une des rares lacunes du Politis actuel: pas de rubrique « éducation », sujet sur lequel votre journal a fait preuve, lui aussi, de « naïveté, voire de régression parfois réactionnaire » , notamment sur la question des nouvelles instructions du ministre en matière d’apprentissage de la lecture.

La question de la formation est pourtant centrale: un « autre monde » est-il possible sans que les citoyens soient capables de penser par eux-mêmes et de manière globale leur place dans leur environnement naturel, social, économique et politique?

Xavier Nicquevert, Rognes (Bouches-du-Rhône)

Une AG pour Parisiens~?

En lisant dans votre dernier numéro l’annonce de la prochaine assemblée générale de l’association nouvelle Pour Politis , je me posais une question : combien, parmi les adhérents et adhérentes, dont je suis ­ lectrice abonnée, assidue, et contente de l’être, ont une carte orange ? Paris, c’est bien, c’est pratique, c’est central, c’est bien desservi par la SNCF, mais tous les lecteurs et les lectrices adhérent(e)s n’y vivent pas, et, parmi ceux-là, il y en a sans doute beaucoup qui n’auront ni la disponibilité ni les moyens de se rendre à Paris. Et, pourtant, le rendez-vous est d’importance, et, personnellement, j’aurais aimé pouvoir participer aux échanges et au vote.

Pourquoi ne pas préparer les assemblées générales en amont et organiser des regroupements dans les territoires, et permettre ainsi débats et votes ? C’est faisable, ça se fait d’ailleurs quand il s’agit de faire vivre démocratiquement une association ou une coopérative. Et,avec un tel principe de fonctionnement, on pourrait envisager que les AG se passent tour à tour dans le Sud, l’Est, le Nord et l’Ouest, et pas nécessairement et inévitablement à Paris.

Ce n’est pas d’utopie dont je parle, mais de conditions qui me semblent devoir devenir bien réelles si l’on veut que soient mis en cohérence la pensée et les actes. Je me réjouis de ce qui se passe autour du journal Politis et je trouverais très dommage un rendez-vous raté, tant nous avons tous et toutes besoin d’un renouveau des pratiques démocratiques. Alors il me semble que l’enjeu vaut que l’on y réfléchisse et que peut-être localement des choses s’organisent… À commencer, pourquoi pas, par un forum de discussion sur le site de l’association ?

Hélène Tanné, Toulouse (Haute-Garonne)

Notre AG constitutive a justement pour objectif de mettre en place des structures locales de l’association Pour Politis .

Courrier des lecteurs
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