Plages brûlantes

Un inédit de Neil Young, enregistré sur scène en 1970 avec le groupe Crazy Horse avant la mort de Danny Witthen.

Jacques Vincent  • 1 février 2007 abonné·es

Neil Young promet depuis longtemps de faire le tri dans ses archives et d’en mettre quelques-unes sur le marché. La première à sortir est ce disque enregistré pendant les concerts qu’il a donnés au Fillmore East de New York les 6 et 7 mars 1970. C’est évidemment un morceau d’histoire, d’emblée illustré par l’affiche complète de ces deux soirées, qui présentaient également le Steve Miller Band et Miles Davis.

À cette époque, Neil Young se lance dans une nouvelle aventure avec Crazy Horse. Un groupe qu’il a fondé l’année précédente, après être sorti du rêve initiatique du Buffalo Springfield et avoir refermé une parenthèse solitaire pendant laquelle il a appris à signer de son nom. Il partage alors son temps entre son nouveau groupe et Crosby, Stills, Nash and Young, qu’il s’amuse à surnommer respectivement ses Rolling Stones et ses Beatles. Ses Beatles sont nettement plus connus que ses Rolling Stones, mais ces derniers comptent dans leurs rangs deux personnages d’exception. Jack Nietsche, producteur formé chez Phil Spector, qui avait l’habitude de le présenter comme son secrétaire et a été le complice de Neil Young pour son premier album solo. Et Danny Witthen, avec lequel il partage les parties de guitares et les vocaux.

Partage n’est pas un vain mot tant Whitten est le frère d’armes de Neil Young dans ce groupe à haute teneur électrique, comme en témoignent les longues plages brûlantes de l’album Everybody Knows This Is Nowhere dans « Down by River » ou « Cowgirl in The Sand ». Elles sont encore plus longues et plus intenses sur scène. La première, qui dure plus de douze minutes, est d’une beauté tragique. La seconde évoque une chevauchée hallucinée d’un quart d’heure. Comme si elles étaient mues par la violence des sentiments qu’elles expriment, ces chansons figurent d’immenses vagues d’une énergie intense, capable d’entraîner les musiciens au-delà d’eux-mêmes, et de subjuguer l’auditeur avec la même force plus de trente ans plus tard.

Avec le recul, on ne peut pas ne pas mettre en parallèle le drame qui traverse certaines chansons et celui que vit Danny Whitten, de plus en plus dépendant de l’héroïne. Il finit par quitter le groupe et meurt en novembre 1972. Ce qui a inspiré à Neil Young « The Needle and The Damage Done », sur After The Goldrush , et son album le plus sombre, Tonight The Night . Le Crazy Horse survit à Danny Whitten, mais ne sera plus tout à fait le même. Et Neil Young, sans doute, non plus. De quoi recevoir aussi ce disque comme un hommage.

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