Lucie Aubrac, une femme libre

Olivier Doubre  • 22 mars 2007 abonné·es

Figure majeure de la Résistance, Lucie Aubrac (ici avec son mari Raymond, en 1998) est décédée le 14 mars à l’âge de 94 ans. Sa disparition a suscité un hommage unanime de la classe politique, hormis du Front national, plusieurs personnalités de gauche comme de droite suggérant même le transfert de sa dépouille au Panthéon, près de Jean Moulin…

Née en 1912 dans une famille modeste de vignerons mâconnais, cette élève particulièrement brillante obtient l’agrégation d’histoire en 1938. Travaillant pour vivre durant ses études, elle milite aussi beaucoup à l’Union des étudiants communistes, où ses camarades sont Jean-Pierre Vernant ou Victor Leduc, qu’elle retrouvera ensuite dans la clandestinité. Ceux-ci, déjà, louent son courage dans un Quartier latin où les étudiants d’extrême droite sont nombreux.

En 1939, durant la « drôle de guerre », elle épouse Raymond Samuel, juif strasbourgeois d’origine polonaise, qui à l’été 1940 est fait prisonnier par l’armée allemande. Lucie l’aide à s’évader de la prison de Sarrebourg : c’est la première des quatre évasions de son mari que, toutes, elle mènera à bien. Leur amour sera fidèle à cette image. Ils se réfugient en « zone libre », à Lyon, où Lucie enseigne. Très vite, ils participent à la création du mouvement Libération-Sud avec Emmanuel d’Astier de la Vigerie et le philosophe Jean Cavaillès, fusillé en 1944. On connaît par le film de Claude Berri, Lucie Aubrac , ou par l’Armée des ombres de Jean-Pierre Melville, le « rôle central » (selon l’historien Laurent Douzou) qu’elle tient dans le réseau et notamment l’épisode célèbre de l’évasion de Raymond, qu’elle dirige, enceinte de plusieurs mois, les armes à la main…

Nommée en 1944 à l’Assemblée consultative sous le Gouvernement provisoire, alors que les femmes n’ont pas encore le droit de vote, elle n’entame pas après-guerre de carrière politique mais, proche du PCF, milite pour la paix, la décolonisation et les droits des femmes. Redevenue enseignante, sa vocation pédagogique la conduit, une fois à la retraite, à devenir une véritable « passeuse de mémoire » , témoignant sans relâche auprès des jeunes de son engagement dans la Résistance et de l’ignominie du nazisme. Et de rappeler : « Le mot résister doit toujours se conjuguer au présent. »

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