Requiem pour un damné

Un spectacle saisissant reprenant des « contes de tranchées » à la première personne.

Gilles Costaz  • 10 mai 2007 abonné·es

Connaissez-vous le Crik ? Il s’agit du Club de réflexion et d’investigation « klounesque ». Animée par Jean-François Maurier, cette compagnie peut aborder des sujets graves sans trop s’éloigner de sa volonté de faire rire sans facilité. Mais, cette fois, dans Un p’tit jardin sur l’ventre, le comique est vraiment souterrain. Maurier a écrit des « contes de tranchées » à partir de faits réels liés à la guerre de 14. Il les a adaptés de telle façon qu’ils ont une allure d’autobiographie, de confessions. C’est un poilu qui parle. On passe d’un récit à l’autre, mais l’on s’intéresse surtout au destin d’un jeune homme qui change d’identité avec l’un de ses camarades mourant : en prenant un autre nom, il se débarrasse du casier judiciaire qui pesait sur lui. Sauf que le mourant ne meurt pas. Et les voilà tous deux vivants, avec une identité volée et la férocité de l’administration militaire prête à s’abattre sur eux.

Toute l’horreur de la guerre est là, dans cette folie au nom de laquelle on supprime ceux qui refusent la boucherie : on est tué par les autres et par les siens ! À peine un décor, une surface nue au centre de laquelle va et vient un homme seul qui porte le nom de Dédé. Il est habillé en pioupiou, mais si discrètement qu’on voit davantage son âme que son habit. Ce « Dédé la blague » est interprété par Gilles Berry. Son jeu, discret, est tout à fait étonnant, d’une grande vérité populaire. Parmi les spectacles montés sur cette période, beaucoup tablent sur l’authenticité des témoignages ou sur les chansons d’époque. Ils peuvent être réussis mais ont, parfois, quelque chose de folklorique. Ce modeste spectacle de Jean-François Maurier et Gilles Berry, qui prend au contraire le parti de la fiction, n’en va pas moins au plus juste, au plus émouvant.</>

Pourquoi ce titre, Un p’tit jardin sur l’ventre ? Parce que le pauvre poilu finira sous la terre. Beau requiem pour les damnés de la guerre.

Culture
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