Un palmarès honorable

Christophe Kantcheff  • 31 mai 2007 abonné·es

Si tout palmarès est le fruit d’un compromis, alors on peut être relativement satisfait du résultat de cette soixantième édition. La palme d’or aurait été étincelante si le film de Naomi Kawase, la Forêt de Mogari, en avait été l’heureux élu. Le jury a préféré lui décerner son grand prix.

La palme remise à 4 mois, 3 semaines et 2 jours , du Roumain Cristian Mungiu, reste, cependant, de bon aloi. Et représente un formidable coup de pouce pour un cinéma de l’Est économiquement fragile, dont Cannes a vu la renaissance. Depuis le jour où il avait été projeté, en début de festival, ce film faisait partie des préférés des festivaliers. C’est sans doute pourquoi le jury a estimé qu’il saurait conquérir un large public malgré son âpreté.

4 mois, 3 semaines et 2 jours raconte avec des allures de film d’action l’histoire éprouvante d’un avortement clandestin sous le régime de Ceaucescu, sans jamais tomber dans le misérabilisme. Cristian Mungiu, qui en est à son troisième film, fait preuve de réelles qualités de cinéaste. Sa caméra sait capter la vérité et les émotions d’un personnage au seul moyen d’un regard attentif, se traduisant par de longs plans séquences qui n’étirent pas ce qui est filmé mais, au contraire, le concentrent. Néanmoins, l’écriture n’est pas d’une rigueur constante. D’où des interrogations possibles sur la signification du film quant à l’avortement.

Le reste du palmarès suscite une impression mitigée. Récompenser Paranoïd Park , de Gus Van Sant, est éminemment louable, mais le film vaut davantage que ce prix du soixantième anniversaire, par définition de circonstance. Même s’ils étaient attendus, le prix du scénario à De l’autre côté , de Fatih Akin, et le prix d’interprétation féminine à Jeon Do-Yeon, pour Secret Sunshine , de Lee Chang-dong, sont mérités.

Enfin, le prix d’interprétation masculine à Konstantin Lavronenko pour le Bannissement , d’Andreï Zviaguintsev, et le prix du jury ex-aequo à Persepolis , de Marjane Satrapi et Vincent Peronnaud, et à Lumière silencieuse , de Carlos Reygadas, laissent des regrets.

En particulier pour l’excellent Tehilim , de Raphaël Nadjari (voir ci-contre). Et, à un degré moindre, pour Zodiac , de David Fincher. Le jury a écarté Hollywood de son palmarès. Ce qui relève peut-être d’un choix délibéré vis-à-vis d’un cinéma dominant. Encore faut-il aussi prendre en compte les oeuvres telles qu’elles sont. Ainsi, pour l’intelligence dont il témoigne, Zodiac aurait pu être distingué.

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