Au fond du trou

Thierry Brun  • 12 juillet 2007 abonné·es

Encore une nouvelle rustine ! Pour tenter de limiter le dérapage de la Sécurité sociale, les ministres de la Santé et des Comptes publics, Roselyne Bachelot et Éric Woerth, ont présenté un plan d’économies de 1,225 milliard d’euros en année pleine, qui prévoit notamment des baisses de remboursement et un déplafonnement du forfait d’un euro par acte médical. Selon Roselyne Bachelot, ce déficit serait dû à « l’insuffisance » des plans de redressement précédents et à certaines « mesures techniques » comme le dossier médical. « Le déficit est une arme symbolique qui vise à faire passer la pilule amère des déremboursements et des franchises médicales », estime pour sa part Frédéric Pierru, sociologue, spécialiste des systèmes de santé français et européen [^2] . Au PS, on dénonce « le double échec » de la droite. Et le PC estime que le plan consacre « l’échec définitif des réformes Fillon et Douste-Blazy ».

On sait déjà que la situation ne changera pas avec le plan présenté par le gouvernement. Le « trou » prévu en 2007, toutes branches confondues (maladie, vieillesse, famille, accidents du travail), atteint le chiffre record de 12 milliards d’euros. La Sécu se trouve confrontée à l’un de ses déficits les plus élevés depuis sa création, il y a plus de soixante ans. « Le déficit tient d’abord à une insuffisance du financement, liée au manque de croissance économique et à la non-compensation par l’État des exonérations de cotisations patronales. La Cour des comptes a épinglé, il y a peu, la faible efficacité de l’empilement des exonérations de cotisations et leur coût prohibitif. Au lieu de prendre acte de ce fait, le gouvernement annonce de nouvelles exonérations, notamment sur les heures supplémentaires », rappelle Frédéric Pierru.

La CGT et la FSU ont critiqué le plan, qui, selon la première, fait « une fois de plus » porter « l’effort » sur les assurés, et qui, pour la seconde, « n’est pas de nature à répondre aux besoins ». « Les travaux d’économie de la santé ont mis en évidence que la privatisation rampante de l’assurance-maladie est à la fois socialement injuste et inefficace sur le plan de la maîtrise des dépenses, comme le prouve le cas américain, mais aussi la politique suivie par les gouvernements français dans les années 1980 », explique Frédéric Pierru. Or, selon une projection de l’assurance-maladie, les dépenses remboursées par la Sécu pourraient augmenter de 50 % d’ici à 2015, du fait du développement des affections de longue durée, des progrès médicaux et du vieillissement de la population.

[^2]: Lire Hippocrate malade de ses réformes, Frédéric Pierru, éditions du Croquant, 256 p., 20 euros.

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