Le mauvais plan de l’éthanol

Aux États-Unis, l’explosion de la demande de maïs pour produire un carburant végétal pèse sur le prix des aliments et entraîne de nouvelles pollutions. Pour un effet très modeste en termes de gaz à effet de serre…

Claude-Marie Vadrot  • 4 octobre 2007 abonné·es

En 2005, le président George W. Bush et le Congrès américain, au nom de l’indépendance énergétique du pays, s’accordent pour lancer un « plan éthanol ». Une filière de production d’essence végétale à base de maïs exemptée de taxe (51 % de son prix), cette aide étant souvent complétée par les subventions des États. Depuis cette décision, le pays est saisi de folie pour ce carburant végétal qui, au final, contient 85 % d’éthanol et 15 % d’essence classique (d’où son nom d’E85). En 2006, la production atteignait déjà 5 milliards de gallons d’éthanol (19 milliards de litres) [^2], et les sénateurs ont adopté une nouvelle loi planifiant, toujours avec des subventions, une production de 36 milliards de gallons pour l’horizon 2022, ce qui devrait coûter au moins 135 milliards de dollars aux contribuables américains. Cette somme s’ajoutant aux subventions votées en juillet pour diverses cultures, dont, bien entendu, le maïs.

Illustration - Le mauvais plan de l’éthanol


Présentation d’un véhicule roulant à l’éthanol, au salon mondial de l’automobile de Francfort, cette année. MACDOUGALL/AFP

À lire une partie de la presse américaine, à entendre le ministère de l’Agriculture, les écologistes, de nombreuses universités et les agences de lutte contre la pollution, la ruée vers cet agrocarburant a des incidences désastreuses. Elle pèse sur le prix des aliments et entraîne de nouvelles pollutions : selon l’Agence fédérale de l’Environnement, 73 des 120 raffineries d’éthanol actuellement en fonction ne respectent pas les lois contre la pollution de l’air, des eaux et des sols.

La croissance du nombre d’usines est telle qu’en 2006, 72 millions de tonnes de maïs ont servi à produire de l’essence contre 56 tonnes en 2005. Pour 2007, la quantité transformée devrait atteindre 85 millions de tonnes. Commentaire du Wall Street Journal : « Les régions de production du maïs s’enrichissent tranquillement, le revenu des gros agriculteurs ayant augmenté cette année de 87 milliards de dollars, soit 50 % de plus qu’en 2006. » Mais il faut bien que quelqu’un paye cette facture…

L’université d’État de l’Iowa et celle de Cornell ont calculé que l’augmentation du prix du maïs, en raison de la tension sur ce marché, a entraîné une dépense supplémentaire de 14 milliards de dollars pour les Américains. Tout simplement parce qu’un quart des produits alimentaires référencés dans les supermarchés contiennent du maïs ; sans compter les denrées dont la production nécessite du maïs, comme le poulet (+ 50 %), le boeuf (+ 40 %) ou le lait. Augmentation qui se répercute par exemple sur le plat quasi national qu’est la pizza au fromage.

D’autres produits agricoles ont également augmenté parce que la surface de leur culture a diminué au profit du maïs. Au Mexique voisin, le bond des cours a entraîné une augmentation moyenne de 80 % du prix de la tortilla, l’alimentation de base. Pour le lait, chiffre du ministère de l’Agriculture, l’augmentation est de 17,6 % depuis le mois de janvier avec des pics de 25 % dans certains États. Ce qui ne signifie évidemment pas que les fermiers du lait ou des viandes ont accru leurs revenus puisqu’ils répercutent simplement le coût du maïs qui nourrit leurs animaux : 120 dollars la tonne contre 70 dollars en 2006 !

Les seuls à profiter de l’explosion des prix du maïs sont les gros agriculteurs choyés par les Républicains et les Démocrates : au point que, malgré les protestations et une campagne de presse lancée avant l’été, tous les candidats potentiels à l’élection présidentielle de 2008 ont pris position en faveur d’une poursuite ou d’une accélération du plan éthanol, devenu une affaire idéologique.

Côté pollution, le résultat est également catastrophique, de l’érosion à l’augmentation des teneurs en nitrates, en phosphates et en herbicides des eaux superficielles et souterraines. Dans un article du 5 septembre prenant l’exemple du Nebraska, le Wall Street Journal rappelait qu’il faut 150 millions de gallons d’eau pour produire 50 millions de gallons d’éthanol. Le 19 septembre dernier, dans un édito, le New York Times partait à son tour en guerre contre le nouveau carburant en déplorant « les modestes effets sur l’émission de gaz à effet de serre, les risques considérables pour l’environnement et les habitants des pays les plus pauvres » .

[^2]: Un gallon américain équivaut à 3,78 litres.

Écologie
Temps de lecture : 4 minutes