Un espoir pour les anti-OGM

Alors que s’achève la marche contre les OGM, le gouvernement manifeste son malaise vis-à-vis de ces cultures très impopulaires. S’achemine-t-on enfin vers un moratoire ?

Claude-Marie Vadrot  • 11 octobre 2007 abonné·es

Le moratoire est en débat dans le Grenelle. Mais attention, le mot cache selon les interlocuteurs des revendications différentes. Moratoire sur tous les OGM, y compris la recherche, y compris les OGM pharmaceutiques ? Moratoire sur les OGM alimentaires ? Moratoire sur les cultures en plein champ ? Moratoire sur les nouvelles cultures commerciales ? Moratoire sur les OGM-pesticides ? Moratoire sur un OGM en particulier ? À ce stade, les discussions courent, et il n’est pas encore temps de les trancher… »

Illustration - Un espoir pour les anti-OGM


Mise « en garde à vue » symbolique d’un champ de maïs transgénique par des militants, le 2 octobre.
BONAVENTURE/AFP

Ces mots de Nathalie Kosciusko-Morizet, il y a quelques semaines, dans l’interview accordée à Politis , illustrent parfaitement l’embarras du gouvernement, qui pressent à quel point l’opinion publique reste majoritairement opposée aux cultures OGM. Les ministres concernés et la présidence de la République cherchent donc les voies d’un moratoire qui ne s’appellerait pas moratoire. Le signe le plus certain de leur hésitation : les tribunaux, qui, un à un, sur instruction de la Chancellerie, reportent les audiences où devaient comparaître des faucheurs. Le procureur de Toulouse a même expliqué en public qu’il fallait attendre la fin du Grenelle de l’Environnement « parce que la qualification des faits pourrait être changée » . Dans d’autres affaires, les poursuites semblent abandonnées, les interrogatoires de gendarmerie suspendus, notamment ceux qui concernent José Bové et des militants de la Confédération paysanne. Calme plat dans la chasse aux faucheurs volontaires, qui sont pourtant des centaines à s’être dénoncés. Et, à la Chancellerie, on paraît même avoir « oublié » que José Bové devrait être incarcéré depuis des mois. Or, il n’a même pas été convoqué par le juge d’application des peines. Seul incident notable : deux faucheurs se sont vus réclamer un prélèvement génétique aux fins de fichage ; ils vont évidemment refuser en se fondant sur une décision de la cour d’appel de Bastia, qui a relaxé un prévenu s’opposant au fichage génétique.

La marche anti-OGM, qui a commencé samedi dernier et se terminera par un débat public, le samedi 13 octobre [^2], servira à la fois à (re)mobiliser l’opinion publique, à défendre préventivement les faucheurs d’OGM et à préparer les termes de la loi nécessaire. Pour José Bové et la délégation des paysans du Larzac qui l’accompagne, pour les paysans lancés dans la production « bio », les termes d’un accord sont encore possibles à l’issue du Grenelle. « Il s’agit, dit José Bové, de préparer un texte législatif qui donne le droit et la liberté de produire sans OGM, qui assure une protection claire, qui définit clairement les responsabilités pénales et écologiques des distributeurs et protecteurs d’OGM, qui permet de bloquer des processus d’autorisation par le recours à une Haute Autorité et, surtout, qui donne le droit aux maires, aux conseils généraux ou régionaux de refuser les cultures OGM sur leurs territoires. »

Les acteurs de la préparation de la loi s’accordent sur la nécessité d’agir posément, de ne pas voter un texte dans la précipitation ; il pourrait s’agir de l’un des rares consensus positifs des discussions en cours. Sauf si les céréaliers, qui reprennent le pouvoir au sein de la FNSEA, réussissent leur opération d’intimidation auprès de Michel Barnier, ministre de l’Agriculture, du gouvernement et surtout des parlementaires. Opération aux multiples facettes pour laquelle ils ont débloqué un gros budget tout en rappelant à la FNSEA, dont les responsables sont partagés sur les OGM, que la Fédération a besoin de leur argent et qu’ils n’en manquent pas, étant donné l’envol du prix des céréales. Leur offensive a été ponctuée la semaine dernière par des pages de publicité appelant le président de la République à « ne pas céder aux marchands de peur » .

Les adversaires des OGM, ainsi que l’explique José Bové, « ne sont pas du tout opposés aux essais en laboratoire et en milieu confiné, notamment pour la recherche médicale. Mais nul ne peut désormais sérieusement et scientifiquement prétendre que des essais à l’air libre sont nécessaires, car ces expérimentations dépendent de trop de facteurs aléatoires. Ces essais dans les champs sont simplement destinés à imposer les OGM, à forcer la main du pouvoir » . Dix ans après le premier fauchage, dans les Alpes, à Saint-Georges-d’Espérance, un accord pour la préparation d’une loi qui serait aussi rigoureuse que la loi italienne paraît pour l’instant en bonne voie, les « anti » et le gouvernement sont convaincus que les bases d’un accord existent. Et, pour ne fâcher personne, en attendant, on ne parlerait pas de moratoire mais de suspension…

[^2]: Il aura lieu à partir de 15 heures à l’amphithéâtre D (département de géographie, rez-de-chaussée) de l’université Paris-VIII à Saint-Denis, 2, rue de la Liberté, à Saint-Denis. Métro Saint-Denis-Université, ligne 13.

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