Au pied du mur

La longue peine des prisonniers vue depuis un hôtel de Lannemezan où descendent leurs proches.

Jean-Claude Renard  • 29 novembre 2007 abonné·es

C’est un hôtel aux volets bleus. Chambres proprettes, meubles en formica, papiers peints à fleurs, la télé encastrée dans un angle. À Lannemezan, dans les Hautes-Pyrénées, l’hôtel de la Gare est à quelques centaines de mètres de l’une des cinq centrales sécuritaires de France. Y sont incarcérés les condamnés à de longues peines, de dix ans à la perpétuité. Certains sont étiquetés «~détenus particulièrement signalés~», pour multirécidives ou tentatives d’évasion, transférés régulièrement d’une centrale à l’autre. Dans l’impossibilité de déménager à chaque fois, leurs proches font le voyage. Jusqu’à Lannemezan donc, dans cet hôtel vieillot. « Ce sont des gens des quatre coins de la France » , observe une femme de prisonnier, avant que la caméra d’Hélène Angel ne déambule dans l’établissement. Et tombe sur le train-train de ces visiteurs pas comme les autres. Un coup de rimmel, le coucher des mômes, les sacs qu’on défait et refait, brefs échanges entre petites gens qui se croisent depuis des années. D’un témoignage à l’autre, entrecoupé par les interventions chaleureuses de l’hôtelière, en touches réalistes, le récit s’avance sur l’ordinaire désolé de cet univers essentiellement féminin. Après vingt ou vingt-cinq ans, ça espère une liberté conditionnelle, toujours reportée.

Le thème de la longue peine a déjà été abordé, il est traité ici sous un angle différent, sans une image de parloir ni de prison. La longue peine vue de l’extérieur. Drôle de vie, drôle de rythme, drôle de rituel. Une vraie chienlit, onéreuse de surcroît, pour ces êtres «~à la marge~». Dans la confrontation quotidienne, ou plutôt la contrainte, à vivre leur «~condamnation~», sous la surveillance, le jugement des uns, des autres, des autorités comme des clampins, sous l’angoisse des dépressions et du suicide toujours possible. Un remarquable documentaire, pudique, au diapason de ces voyageurs conscients d’une peine qui a valeur de mouroir. Pour tout le monde.

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