La liste « blanche »

Le choix « des métiers ouverts aux travailleurs étrangers » confirme la politique discriminatoire du gouvernement. Explications.

Jean-Baptiste Quiot  • 22 novembre 2007 abonné·es

Discrimination raciale et dumping social. C’est le double scandale de l’affaire des « listes de métiers ouverts aux travailleurs étrangers » proposées par le ministère de l’Immigration, le 23 octobre, aux organisations syndicales et patronales, parfaite application de la politique de « l’immigration choisie » chère à Nicolas Sarkozy. « On passe, avec ces listes, de la préférence nationale à la préférence communautaire. C’est le choix clair en faveur d’une immigration blanche et chrétienne » , dénonce Pierre Henry, le président de France terre d’asile. Honteuse sur le fond, l’affaire est également riche d’enseignements sur les méthodes « en trompe-l’oeil » du gouvernement.

D’abord, le fond. La liste détaille 30 métiers que le gouvernement compte ouvrir aux travailleurs originaires de pays hors de l’Union européenne, et 152 ouverts aux ressortissants de l’Union européenne. Or, les métiers accessibles à ces derniers ne nécessitent pas ou peu de qualification. En revanche, les métiers accessibles aux ressortissants de pays non européens exigent principalement des diplômes du supérieur. « Chacun sait qu’il y a peu de géomètres, de cadres auditeurs ou d’attachés commerciaux parmi les salariés sans papiers déjà arrivés en France. Ces dizaines de milliers de migrants aujourd’hui massivement salariés dans des emplois à faible qualification ne seraient que de la chair à expulsion » , s’indigne la CGT, qui réclame que « toute discrimination soit bannie des listes de métiers » . Autre différence : les métiers ouverts aux étrangers hors UE sont définis selon les besoins des régions : « Le gouvernement trouve une nouvelle justification pour poursuivre sa politique de renvoi systématique et tourne le dos aux pays du Sud » , explique Pierre Henry. En revanche, les métiers pour les Européens ne tiennent pas toujours compte du rapport entre l’offre et la demande. Et pour cause : « Onze métiers comme aide-soignant, agent d’entretien ou employé de restauration sont « en tension », c’est-à-dire déjà soumis à une très forte demande par rapport à l’offre. Mais ils ont été inscrits à la demande du patronat. C’est du dumping social : les salariés migrants sont moins regardants sur les conditions salariales » , ajoute Francine Blanche, secrétaire confédérale de la CGT. Ou comment faire revivre la directive Bolkenstein…

Sur la méthode, le ministère de l’Immigration paraît contradictoire. En effet, l’article 40 de la loi Hortefeux, qui est la transposition de l’amendement « Lefebvre », adopté à l’unanimité par les parlementaires, a été interprété comme un signe d’apaisement par les syndicats et les associations sur la question des sans-papiers. « Sous réserve qu’ils trouvent un travail dans un métier et une zone géographique caractérisés par des difficultés de recrutement » , l’amendement prévoit la possibilité de régulariser les travailleurs. Mais « ce n’est pas une erreur » , estime Pierre Henry. Avec les listes, l’amendement de Frédéric Lefebvre, le très influent conseiller parlementaire de Nicolas Sarkozy, prend en effet un tout autre sens. Il enlève la dernière possibilité pour les sans-papiers non européens d’être régularisés. Et permet ainsi d’atteindre les 25 000 reconduites en 2007 promises par le Président.

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