Terres d’échanges

En Midi-Pyrénées, les « pays » se lancent dans des projets d’économie solidaire. Ces offres alternatives de services de proximité devraient redynamiser l’emploi dans la région.

Yoran Jolivet  • 6 décembre 2007 abonné·es

Le pays Couserans, en Ariège : 17 habitants au km2, 90 % de la population éligible au logement social, c’est le territoire le plus pauvre de l’un des départements les plus pauvres de France. Manque de logements et chômage massif sont les deux composantes d’une contrée sinistrée. Pour lutter contre ces maux, le syndicat mixte du pays Couserans, qui regroupe huit communautés de communes, porte depuis le début de l’année un projet d’économie solidaire centré sur les services de proximité. Quatre idées doivent redynamiser l’emploi dans la région : créer de l’hébergement temporaire et un restaurant solidaire, améliorer les déplacements des personnes précaires et les possibilités de garde d’enfants.

Concrètement, le pays souhaite ouvrir une résidence sociale pour toute personne en démarche d’insertion (stagiaires, apprentis, chômeurs) et un restaurant solidaire qui permettrait à des personnes éloignées de l’emploi de retravailler. Il prévoit également de favoriser la mobilité des personnes précaires en rassemblant sur une même plate-forme Transports à la demande (une sorte de taxi collectif), l’Association ariégeoise mobilité insertion, qui loue des véhicules à 2 euros par jour pendant deux mois à des personnes en insertion, un garage associatif et une aide au covoiturage.

Dernière idée : un relais d’assistantes maternelles itinérant. Si seulement 7 à 10 emplois directs sont concernés, l’impulsion est donnée. « On compte en induire un grand nombre grâce à ces nouveaux services, générateurs d’une vraie dynamique » , indique Emily Augade, chargée de mission économie solidaire au syndicat mixte du pays Couserans. Ces idées ont pris forme lors de réunions impliquant les milieux associatifs, les porteurs de projets, les personnels institutionnels (CAF, ANPE) et les élus. « Cela nous permet de mobiliser tous les partenaires locaux pour lutter contre la désertification et contre le pessimisme ambiant », résume Roger Barrau, président du syndicat mixte et figure politique locale.

À l’origine de cette démarche : un appel à projets d’économie solidaire lancé par le conseil régional de Midi-Pyrénées voici deux ans. Il tourne autour de quatre axes : les services de proximité, les circuits courts, les échanges Nord-Sud et une meilleure visibilité de l’économie solidaire. Grâce à une aide très incitative la première année (le financement à 70 % d’un poste d’animation pour un état des lieux des problématiques et la création des projets), 14 pays et 3 parcs naturels régionaux se sont saisis de la question. Si le pays Couserans a choisi les services de proximité, une grande majorité a préféré les circuits courts. « On veut favoriser les liens entre producteurs et consommateurs locaux » , explique Philippe Darbois, directeur du syndicat mixte du pays Midi-Quercy (82), qui entend développer la filière bio. « Ce qui nous intéresse dans la démarche participative et solidaire, c’est de préserver l’activité agricole sur tout le territoire. » Il compte ainsi regrouper les agriculteurs motivés pour approvisionner les cantines scolaires et les maisons de retraite. En augmentant les débouchés, le pays pense également inciter de jeunes agriculteurs à s’installer en bio.

Tous ces projets n’en sont qu’au stade de la création. Reste à leur trouver des financements et à les mettre à l’épreuve de la réalité. Sur le papier, ils sont très séduisants. L’économie solidaire est mise en valeur comme facteur de développement des territoires ruraux, créateur de lien social entre les populations et générateur d’une activité économique soucieuse de l’environnement. Le risque serait de voir l’élan solidaire retomber, une fois les subventions terminées, faute de support politique. Car ces projets dépendent du dynamisme des élus locaux, qui sont souvent de bonne foi, mais pas totalement dépourvus d’intérêts électoralistes. « Si les financements ne suivent pas, on aura perdu un an pour rien », avertit Emily Augade. Selon elle, « il faut une réelle volonté politique » . Cet élan autour de l’économie solidaire permet de créer une réelle synergie entre les acteurs concernés. Reste, pour finir de convaincre les sceptiques, à démontrer que cette économie est viable en milieu rural.

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