« Des clients fidèles, sympas »

Patrick Piro  • 24 janvier 2008 abonné·es

André, libraire en Bretagne

Politis sur le devant du présentoir à journaux, et en double s’il vous plaît ­ le numéro de la semaine ainsi que le hors-série Vivre autrement ! Assez ému, voire complice, nous avions tenu à féliciter le gérant de cette Maison de la presse de la côte bretonne pour cette initiative rare. « J’aime bien cet hebdo, on sent le travail derrière, c’est le genre gauche intelligente. Nous, les diffuseurs, nous avons une approche sensible des produits, et je trouve que Politis génère un sentiment positif. J’en vends quatre ou cinq par semaine, c’est pas mal pour un bourg de 3 500 habitants. Des clients fidèles, sympas, ouverts, avec qui l’on peut discuter. J’aurais le double d’exemplaires, je les vendrais tous. Mais on n’est jamais assez servi en « papier » en queue de route littorale. » Aujourd’hui, il n’a vendu aucun Libé , mais six Monde , et autant de Figaro ­ il n’aime pas, « ce n’est pas une droite intelligente » .

Et tout de suite, la plainte. « On s’en fout du vendeur, dans ce métier. Pourtant, si je veux, je vends deux fois plus France-Soir que l’Humanité *, et inversement le lendemain… »* Il en a gros sur la patate et pas la langue dans sa poche, André ­ il ne veut pas que l’on cite son nom ni sa ville, pas de photo non plus, il redoute les représailles des poids lourds du milieu : les syndicats et les Messageries. « Assistez une seule fois à une réunion de l’interprofessionnelle, vous verrez qui forme le petit troupeau à la botte… » Diplomate, il épargne les éditeurs ­ nous, donc : « Ils se débattent avec leurs problèmes aussi, c’est un milieu hyperconcurrentiel. »

Alors André et sa femme viennent de prendre leur décision. Enfin, c’est presque sûr : ils vont lâcher la presse, qui leur bouffe la boutique. « Une rentabilité misérable » , justifie-t-il. Mais tout autant, il y a l’humiliation du professionnel méprisé. « Moi, j’aime le papier, j’y crois fermement, Internet ne va pas tout remplacer. Mais les bases économiques du métier sont pourries, on court au sinistre. Dans les bourgs alentour, les collègues ferment tous. Ne resteront que les très grosses maisons de la presse et les grandes surfaces. Le Casino d’à côté, il fait les yeux doux à mon grossiste pour récupérer mon point de vente. »

S’il lit Politis régulièrement ? « On n’a pas le temps ! Enfin, parfois en hiver, quand on s’enquiquine. » Insistant : qu’est-ce qu’il lui trouve, alors, à notre hebdo ? Périphrase d’André : « Vous savez, je suis plutôt de droite, j’ai voté Sarkozy… » .

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