Dure leçon pour la gauche

Olivier Doubre  • 31 janvier 2008 abonné·es

Après dix-huit mois sur le fil du rasoir, il aura finalement manqué au gouvernement de Romano Prodi seulement trois voix lors du vote de confiance au Sénat, jeudi 24 janvier. Issu d’une alliance très large allant des communistes aux centristes et démocrates-chrétiens, ce gouvernement de « centre-gauche » laisse un goût amer à la plupart de ses électeurs. Soumis au départ à un chantage perpétuel des franges les plus à droite de sa coalition, Prodi n’est en effet jamais parvenu à faire adopter les principales mesures énoncées dans le programme électoral sur lequel il a été élu ­ d’extrême justesse ­ en avril 2006.

Du fait d’une loi électorale (votée sous Berlusconi) qui favorise l’émiettement du paysage politique, un petit parti démocrate-chrétien tel que l’Udeur, représentant à peine 1 % des voix, a su monnayer le plus cher possible son soutien à Prodi et l’a de facto empêché (avec quelques autres minuscules formations centristes) de revenir sur les lois les plus conservatrices adoptées par l’ancienne majorité. Ce même parti, l’Udeur, est d’ailleurs à l’origine de la crise actuelle, qui a débuté lorsque son principal dirigeant, Clemente Mastella, garde des Sceaux, a dû démissionner sous le coup de poursuites judiciaires pour concussion (tout comme sa femme, elle-même élue Udeur près de Naples). Il s’est alors retiré de la coalition gouvernementale, reprochant àses ex-alliés de ne pas le soutenir face aux juges !

Au-delà de cette péripétie très italienne, la chute du gouvernement Prodi intervient après un an et demi d’une véritable « course au centre » des poids lourds de la coalition, Démocrates de gauche et Margherita, qui, entretemps, se sont fondus en un très pâle Parti démocrate (PD). Une dérive qui n’a cessé, de fait, de renforcer le poids politique de la part la plus au centre de la très courte majorité parlementaire, alors que communistes et Verts, pourtant plus forts électoralement, se résignaient chaque jour à adopter des textes éloignés de leurs aspirations, voire contraires à elles. Les centristes, se sentant toujours plus le vent en poupe à côté d’une gauche « sociale-libérale » qui n’a cessé de leur donner des gages, ont ainsi pesé, avec seulement quelques parlementaires, d’un poids dont ils n’auraient pas même rêvé avant cette législature. En face, la gauche « de gauche » a surtout avalé des couleuvres, tandis que les grands partis la qualifiaient de « rétrograde » parce qu’elle osait défendre de « vieilles » idées comme la sauvegarde des services publics (qui, en matière de ramassage des ordures ménagères, à Naples, vu les succès de « l’initiative privée », semblent pourtant encore pertinents).

In fine , c’est toute la gauche qui a perdu le pouvoir, mécontenté ses électeurs en n’accomplissant pas ce pourquoi elle avait été élue et se retrouve en mauvaise posture pour les futures élections. Ses anciens alliés centristes, eux, pourront toujours conserver leurs sièges en se retournant vers Berlusconi…

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