La LCR est-elle l’opposition de demain ?

Le congrès qui s’ouvre ce jeudi doit approuver la création d’un nouveau « parti anticapitaliste » et fédérateur. Alors, nouvelle offre à gauche ou répétition de l’histoire ?

Jean-Baptiste Quiot  • 24 janvier 2008 abonné·es

Face à la politique ultralibérale de Nicolas Sarkozy et au délitement idéologique du PS, la solution pour la gauche est-elle la création d’un parti anticapitaliste et rassembleur ? Cette question qui traverse aujourd’hui tous les courants de la gauche antilibérale constitue l’enjeu principal du congrès de la LCR, qui se tient jusqu’au 26 janvier. L’événement est observé avec attention par le reste de la gauche, mais aussi avec un certain scepticisme sur la méthode et les objectifs d’un tel parti.

Illustration - La LCR est-elle l’opposition de demain ?


Olivier Besancenot, à la manifestation contre le centre de rétention de Paris-Vincennes, le 19 janvier. AYISSI/AFP

Alors que la gauche antilibérale avait rêvé d’une candidature unitaire à la présidentielle susceptible de déboucher sur une nouvelle formation, Olivier Besancenot a pris tout le monde de court en annonçant dès le lendemain de l’élection la création d’ « un nouveau parti anticapitaliste » . Ce qui a permis cette initiative ? Les 4,08 % de suffrages exprimés en sa faveur lors du vote d’avril, et les sondages favorables qui, depuis, ont confirmé sa popularité.

Qu’est-ce qu’un nouveau parti «~anticapitaliste~» ? Un parti « mi-guevariste, mi-libertaire » , aurait dit Olivier Besancenot. Dans l’entretien qu’il nous a accordé, il corrige cette définition, mais reste vague. Qu’est-ce qu’être « guevariste » et a fortiori « mi-guevariste » dans une économie mondialisée et financiarisée ? L’allusion au célèbre révolutionnaire est surtout symbolique. En effet, depuis 2002 et la première candidature d’Olivier Besancenot, la Ligue a vu ses rangs rajeunir. Encore 1 200 nouvelles adhésions ont été enregistrées depuis la présidentielle, faisant passer le nombre total de militants à 2 900. D’après une récente étude
[^2], 69 % des militants ayant adhéré après 2002 ont moins de 40 ans, et 40 % d’entre eux moins de 30 ans. « Une nouvelle génération est en train de voir le jour, qui n’est pas marquée par le poids des échecs du passé » , s’enthousiasme la direction de la Ligue. L’idée d’un nouveau parti semble alors s’imposer naturellement pour fortifier le « désir d’avenir » de cette nouvelle génération.

« Ça mord suffisamment pour qu’on soit déterminés » , estime la direction. Cependant, si les gens de gauche mordent à l’hameçon, ce n’est sûrement pas pour se retrouver dans une nouvelle LCR qui aurait changé de nom et opéré un simple lifting. Mais bien parce qu’il existe une réelle aspiration à une gauche authentique, rassemblée et crédible. Face à celle-ci, la LCR ne peut en rester à une dissolution qui serait de façade, comme s’en inquiètent certains qui rappellent que le rassemblement a déjà échoué à présenter une candidature unitaire à la présidentielle. Et que la LCR a sa part de responsabilité dans cet échec, pour avoir rejeté d’emblée toute discussion avec le PS et suspecté le PCF d’accointances avec lui.

Cette intransigeance fait douter de la portée fédératrice d’un nouveau parti. Se limiter au seul rassemblement de l’extrême gauche est-il judicieux ? Un grand parti de gauche doit-il rejeter tous les socialistes ? Pas sûr que l’exclusion soit le meilleur ciment du rassemblement.

Ces interrogations sont reflétées dans les débats à l’intérieur de la Ligue puisque deux autres plates-formes sont en concurrence avec la plate-forme de la direction. Toutes favorables à la création d’un nouveau parti, elles divergent sur les enjeux et la méthode. Celles-ci craignent comme Christian Picquet, de la plate-forme B, une opération qui frôle « le sectarisme et ne peut pas déboucher sur un véritable rassemblement de la gauche de la gauche » .

Sur la question des enjeux, la situation politique actuelle combine l’offensive libérale de la droite et le malaise du PS. Si cette évolution représente « une accélération de ce qu’on observait déjà avant l’élection de Nicolas Sarkozy et non d’une véritable rupture » , comme l’explique Christine Poupin, de la Plate-Forme A (voir ci-contre), alors rien n’oblige la LCR à abandonner le discours radical qui fait le succès actuel d’Olivier Besancenot. Avec un PS fantôme, l’effondrement de LO et un PCF en très grande difficulté, l’espace entier de la radicalité et de l’opposition au gouvernement est laissé à la figure populaire et médiatique d’Olivier Besancenot et au futur nouveau parti « révolutionnaire ». C’est même le moment ou jamais pour la LCR d’occuper cet espace sans passer par la case du dialogue avec les autres courants de la gauche en construisant un parti « par le bas plutôt que par le haut » . Pourquoi négocier au sein d’un cartel politique quand la possibilité est ouverte de remplacer à court terme le PCF et de remporter ainsi une revanche historique ?

À l’inverse, si la situation politique est « celle, contre-révolutionnaire, d’une double rupture à droite et à gauche, d’un saut qualitatif dans l’offensive libérale , explique Christian Picquet, alors l’urgence d’un vaste rassemblement est telle que la question du périmètre du nouveau parti est posée » . Un nouveau parti, d’accord, mais qui serait lui-même « un courant d’un rassemblement plus large qui comprendrait aussi le PCF et la gauche du PS, les réformateurs et les révolutionnaires, mais aussi les organisations syndicales » , explique Christian Picquet. La question reste de savoir si les conditions d’une telle alliance sont aujourd’hui réunies. L’expérience de la candidature unitaire a montré combien il est difficile pour les courants politiques de dépasser leurs clivages.

En tout cas, « il s’agit de créer un nouveau parti qui, pour peser dans le jeu politique, doit réunir au moins 30 000 à 40 000 adhérents » , précise Christian Picquet.

Alain Krivine, qui parie sur la capacité de la LCR d’attirer à elle seule les opposants de gauche, est d’accord sur ce point : « Si on se rend compte, dans un an, qu’on a juste réussi à doubler le nombre d’adhérents, on avisera. » Si le positionnement du nouveau parti est exclusivement révolutionnaire, le pari est risqué, et la partie loin d’être gagnée. Face à une droite triomphante qui rêve d’un paysage politique où, pour reprendre une célèbre formule de Malraux, entre l’UMP et Besancenot il n’y aurait rien, il est à craindre que la gauche n’ait pas trop le temps d’aviser.

[^2]: Une radiographie militante de la LCR, réalisée par Florence Johsua, doctorante au Centre de recherches politiques de Sciences-Po.

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