« Lier urgence écologique et utilité sociale »

Centre de ressources de l’économie sociale et solidaire, l’Atelier a pour première mission d’animer CréaRÎF, une convention pour les porteurs de projet.
Les explications de Francine Bavay*.

Philippe Chibani-Jacquot  • 17 janvier 2008 abonné·es

Quelles sont les ambitions de l’Atelier ?

Francine Bavay : C’est la première année d’activité de l’Atelier et la troisième de notre politique en faveur de l’économie sociale et solidaire en Île-de-France. Nous voyons enfin mis en place des outils dont nous avions besoin pour une politique globale. L’Atelier en est un des fleurons. Il va servir de catalyseur pour créer de nouvelles activités qui lient urgence écologique et utilité sociale : rénovation de l’habitat, transports collectifs à la demande, énergies renouvelables, etc.

Quel sera le rôle de la convention d’affaires CréaRÎF dans ce dispositif ?

CréaRÎF (voir encadré) propose un diagnostic gratuit à 300 porteurs de projets. Une cinquantaine seront sélectionnées pour participer à la convention d’affaires proprement dite et auront le soutien du conseil régional. Nous n’abandonnerons pas les 250 autres, car notre objectif est bien de recueillir toutes les petites pousses et de leur donner un avenir. CréaRÎF se conçoit comme une dynamisation, sur un territoire, de toutes les potentialités qui bien souvent restent dans l’imaginaire et en butte aux difficultés. L’objectif est de baisser le coût d’entrée dans l’activité, qu’il soit financier et/ou symbolique, en aidant les porteurs à construire la légitimité de leur projet et à convaincre les consommateurs d’acheter social et solidaire.

Si l’on considère la liste des membres du conseil d’administration de L’Atelier, on constate un déséquilibre des représentants de l’économie solidaire au profit de ceux de l’économie sociale. Voyez-vous une évolution possible ?

Nous avons tenté de créer la rencontre entre les anciens et les modernes : les « anciens » de l’économie sociale, qui ont parfois oublié leurs valeurs mais qui les ont réaffirmées récemment, et les « nouveaux » de l’économie solidaire, qui ne sont pas encore organisés. Mais ce n’est pas gênant. L’économie solidaire se cherche, elle est en cours d’invention. Nous avons souhaité lui donner la possibilité de se trouver dans cette structure qui ne s’appelle pas l’Atelier par hasard. C’était le pari de l’innovation plutôt que de l’institutionnalisation. La réalité nous a donné raison, puisque L’Atelier dispose aujourd’hui de 186 adhérents. Une dynamique nouvelle se constitue, et on en tirera toutes les conclusions. Remettre des valeurs dans des pratiques économiques est notre pari actuel. Nous sommes sûrs de le relever si nous n’étouffons pas le débat. Nous avons la volonté d’agir, on ne transforme jamais la réalité par miracle.

Les différentes composantes de l’économie sociale et solidaire (ESS) ne doivent-elles pas être en mesure de se reconnaître mutuellement ?

Il y a besoin de reconnaissance mutuelle. C’est la reconnaissance de la diversité des approches, et je pense que le phénomène générationnel va tous nous réconcilier. Aujourd’hui, une génération de nouveaux entrepreneurs veut développer des activités dans un nouveau contexte de valeurs, et ne se tourne pas vers l’économie sociale et solidaire pour réparer la société mais pour la réinventer. Et si cette génération tient les promesses qu’elle nous fait, elle aura suffisamment de poids pour ne plus avoir à réparer un tissu social déchiré, parce qu’on en aura fait notre tissu social. Vivre et agir, ce n’est pas résoudre des débats, c’est donner aux conflits leur capacité d’innovation. Ce qui m’importe, c’est de savoir si on répond aux besoins des citoyens. Nous résoudrons ces tensions dans l’action et dans le succès. Je ne vais pas, moi, répondre au nom des acteurs. Je leur laisse, dans leur diversité, le choix des réponses.

Que manque-t-il à l’ESS ? Des moyens, des projets, des ressources humaines ?

Ce qui manque le plus aujourd’hui à l’économie sociale et solidaire, c’est l’engagement des financiers. C’est pourquoi nous avons mis en place un fonds de garantie, mais surtout un fonds régional d’investissement solidaire (Fris), dont j’espère qu’il attirera suffisamment d’acteurs de la finance sociale ­ qui a un poids énorme en France ­, afin qu’ils mettent en accord leur activité et leur volonté d’appartenir à l’ESS. Ceci permettra de changer de braquet et de faire de l’ESS une dynamique économique incontournable en Île-de-France. Il faut sortir de la logique d’image et de mécénat pour réellement construire les conditions du financement de tous les projets d’ESS. C’est la raison pour laquelle l’institution « se mouille » [le conseil régional a investi deux millions d’euros dans le Fris, NDLR] , pour que les banquiers comprennent qu’ils doivent prendre des risques.

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