Notre monde à deux vitesses

Une collaboration franco-burkinabée autour d’un diptyque d’Éric Durnez.

Gilles Costaz  • 4 janvier 2008 abonné·es

Deux compagnies de théâtre ont entrepris une collaboration comme on aimerait en voir plus souvent. Hercub’, basée à Villejuif (Val-de-Marne), et le théâtre Éclair, installé à Ouagadougou, se sont entendus autour d’un diptyque de l’auteur belge de langue française Éric Durnez, Sparadrap et Dragonnier. Chaque équipe en a monté un volet, la première en France, la seconde au Burkina Faso, avant de réunir les deux spectacles dans une exploitation commune.

On peut assister à un spectacle sans voir l’autre. Mais, si on les suit dans la continuité, leur fonctionnement chronologique est inversé. Dans Sparadrap, l’action qui se déroule en région parisienne fait allusion à un fait antérieur qui ne sera révélé que dans la seconde partie. Un cinéaste français se montre flou, anxieux, imprévisible. Arrive son ami burkinabé. Les rapports sont cordiaux, mais l’hospitalité à la française est moins chaleureuse à Ouagadougou, tandis qu’un secret gardé par le Français reste opaque. Dans Dragonnier, l’on revient en arrière, lorsque le Français vient étudier les possibilités de faire un film au Burkina Faso. La femme de son hôte porte en elle le mystère qui va changer la vie du Français.

L’écriture réaliste et sociale d’Éric Durnez suggère, évoque, montre, toujours vite, préférant le murmure et l’énigme. Peut-être notre préférence va-t-elle à la seconde pièce, Dragonnier, qui utilise moins d’événements et brasse savamment les relations complexes entre les trois personnages, les deux cinéastes et la jeune femme. Dirigés par Ildevert Méda, les trois interprètes, Amélie Wabéhi, Alain Héma et Bruno Rochette, déploient une sorte de jeu parallèle et croisé tout à fait fascinant. Dans la mise en scène de Sparadrap par Michel Burstin, l’excellent jeu des mêmes acteurs associés à Burstin et Sylvie Rolland est sans doute moins tendu. Mais les deux moments projettent une belle lumière crue sur le monde à deux vitesses où nous vivons.
Gilles Costaz

Sparadrap (19 h), Dragonnier (21 h), théâtre de Ménilmontant, Paris, 01 46 36 98 60. Jusqu’au 20 janvier. Textes aux éditions Lansman.

Culture
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