Quelques pistes alternatives pour l’économie mondiale

Thomas Coutrot  • 24 janvier 2008 abonné·es

L’année 2008 promet des émotions fortes. Que sortira-t-il des nuages noirs qui s’accumulent sur l’économie mondiale : averse, tempête ou tornade ? Personne ne peut le prédire. Mais plusieurs bombes à retardement, fortement imbriquées, bien identifiées depuis des années, ont explosé ou vont le faire : la bulle immobilière américaine ; la consommation financée par le surendettement des ménages nord-américains, qui contribuait à tirer la croissance mondiale ; le déficit commercial américain, qui pèse sur le cours du dollar ; la montée concomitante de l’euro, qui pèse sur l’économie européenne ; la crise bancaire résultant de l’opacité et de la voracité de la finance mondialisée, et le marasme du crédit. Si on y ajoute l’envolée des cours du pétrole et les risques liés aux tensions sociales et écologiques en Chine, une récession mondiale semble difficilement évitable.

La légitimité de l’ordre néolibéral en sera sans doute affectée ; comme d’habitude, les élites réagiront en aggravant les dérives guerrières, xénophobes, autoritaires et sécuritaires de leurs politiques intérieures et extérieures. C’est dire l’importance pour le mouvement social d’apparaître porteur d’alternatives, en popularisant largement un petit nombre d’idées phares qui pourraient structurer un imaginaire alternatif de société. Par exemple, en s’inspirant librement du Manifeste altermondialiste publié par Attac l’an dernier.

Domestiquer la finance. Il est facile d’expliquer ­ même les médias le font ­ comment la crise bancaire et financière actuelle, mais aussi les licenciements, les délocalisations, la baisse des salaires, la hausse des inégalités découlent largement des privilèges que la finance mondiale et les rentiers se sont arrogés grâce aux politiques néolibérales. Par quoi remplacer les marchés financiers pour financer les entreprises ? Par l’autofinancement et le crédit, comme c’est d’ailleurs déjà largement le cas.

Maîtriser la mondialisation. Le libre-échangisme et la libre circulation des capitaux ont mis en concurrence et déstabilisé les systèmes sociaux, au Nord comme au Sud. L’explosion du commerce mondial accroît de façon exponentielle les transports internationaux, donc les émissions de gaz à effet de serre. Il faudra une relocalisation sélective et négociée des activités économiques, notamment grâce à l’instauration de taxes globales sur les investissements et les échanges internationaux. Relocalisation sélective, car quasi-totale pour certaines activités (par exemple, l’agriculture visant la souveraineté alimentaire), alors que pour d’autres (par exemple, l’informatique) on pourra choisir d’organiser la division internationale du travail.

Réduire les inégalités et l’insécurité. C’est le pouvoir exorbitant conquis par la finance et la mise en concurrence des systèmes sociaux et fiscaux qui ont provoqué l’explosion des inégalités, la crise des systèmes de protection sociale et la précarisation du travail. Domestiquer la finance et maîtriser la mondialisation permettront de taxer les riches, de réduire chômage et précarité, d’augmenter les bas salaires, de financer un revenu garanti.

Décréter le développement soutenable. Par la fiscalité, le budget et le crédit, les pouvoirs publics nationaux, européens et mondiaux privilégieront massivement les productions socialement et écologiquement utiles (santé, éducation, logement, économies d’énergie, transports collectifs…), et décourageront les autres. Le mouvement pour un commerce équitable et une consommation responsable y contribuera.

Démocratiser l’État et l’économie. Les grands choix de développement régional, national et local, les décisions stratégiques des entreprises en matière d’investissement et d’emploi devront être publiquement débattues et tranchées par les parties prenantes concernées, citoyens, travailleurs, usagers, consommateurs… Les élus devront rendre des comptes et ne pourront ni cumuler les mandats ni se représenter indéfiniment.

Pour mobiliser la société et peser sur les événements, il faut savoir rêver et faire rêver…

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