Sans-papiers : L’avènement d’Éloi

Ingrid Merckx  • 4 janvier 2008 abonné·es

Ce n’est pas le nom d’un enfant mais d’un fichier informatique : Éloi, comme « éloignement ». Un programme qui vise à « faciliter l’éloignement des étrangers en situation irrégulière » . Né à l’Intérieur sous le ministère de Nicolas Sarkozy en juillet 2006, Éloi avait été rejeté par le Conseil d’État le 12 mars 2007 à la suite d’un recours déposé par la Cimade, le Gisti, l’Iris et la Ligue des droits de l’homme. Éloi nouvelle mouture a été avalisé par la Commission nationale informatique et libertés (Cnil) et le Conseil d’État, déclaré « inattaquable sur le plan juridique » par le ministère de l’Immigration, et publié au Journal officiel le 30 décembre. Sans grande pompe. Brice Hortefeux n’a pas atteint les objectifs fixés en 2007 : sur les 25 000 expulsions annoncées, 21 000 étaient effectives fin novembre. Besoin d’un nouvel outil de contrôle ? Éloi permet d’enregistrer une foule de données sur un étranger expulsable : état civil, identité des parents et des enfants, langues parlées, état de la procédure le concernant ou « nécessité d’une surveillance particulière au regard de l’ordre public » . Si l’étranger est assigné à résidence, l’identité et l’adresse de l’hébergeant figureront dans le fichier. En revanche, ces données devront être effacées au plus tard trois mois après l’assignation, contre trois ans auparavant.

« La finalité et la philosophie » du nouveau fichier restent les mêmes, déplore Pierre Henry, de France terre d’asile, « il tend à faire de l’immigration une question d’affrontement permanent » . Si Jean-Pierre Dubois, de la Ligue des droits de l’homme, salue la réduction de la durée de conservation de certaines données, il ne comprend pas pourquoi elle ne concerne pas les enfants, « sauf à vouloir faciliter la traque des enfants dans les écoles ? » .

Pour Dominique Sopo, de SOS racisme, Éloi est aussi un instrument de « flicage » des personnes qui viennent en aide aux sans-papiers. L’avènement d’Eloi survient alors que des mouvements de protestation ont secoué des centres de rétention administrative en Seine-et-Marne et à Vincennes la semaine dernière. Et les arrestations se poursuivent. Le 26 décembre, six personnes ont été arrêtées dans un magasin à Paris. « Sous couvert de lutter contre le travail clandestin, la police, aidée d’un “contrôleur du travail”, a interpellé dans cette épicerie des employés en situation irrégulière. […] Le droit du travail n’est qu’un prétexte, ce sont bien les étrangers que l’on traque » , dénonce RESF. Sans trêve.

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