Les maires à la tâche

Logement, sécurité, fiscalité… Le bilan
de quelques villes de droite et de gauche.

Régis Soubrouillard  • 21 février 2008 abonné·es

Accession à la propriété ou logement social

«Strasbourg a changé» , proclame fièrement Fabienne Keller. «Le rythme des nouvelles constructions de logement est inouï , se gargarise la sénatrice maire UMP de la ville enlevée à la socialiste Catherine Trautmann en 2001. D’ici à 2009, près de 4000 nouveaux logements auront été construits.» Sauf que cela ne fait pas plus de 500 logements sociaux, pointe l’opposition, qui rappelle que la Ville a bradé le patrimoine public pour favoriser quelques promoteurs privés. Le candidat socialiste, Roland Ries, met en avant les 16000 familles en attente d’un logement social pour promettre la construction de 1500 de ces logements par an. Quand la maire sortante continue d’insister sur l’accession à la propriété.

Dijon, autre ville chargée d’histoire, a basculé à gauche en 2001. Si l’opposant UMP, François-Xavier Dugourd, attaque son challenger sur l’état des finances de la ville et le niveau inquiétant de l’emploi, François Rebsamen, premier maire socialiste de la ville depuis la Seconde Guerre mondiale, a plutôt tenu ses promesses en termes de logement, contribuant à renforcer la mixité sociale de la ville.

Illustration - Les maires à la tâche

Pour être en conformité avec la loi, Dijon devait construire 780 logements sociaux en cinq ans; elle a été bien au-delà: 589 logements à loyer modéré produits sur le territoire du Grand Dijon et 305 réhabilitations de logements anciens ayant reçu un accord de financement du Grand Dijon, dont 117 logements à loyers encadrés. Le taux de 20% de logements sociaux n’est pas encore atteint mais, à 15,4%, Dijon s’en rapproche.

Traitement policier ou social de l’insécurité

Ancien bastion communiste, que Nicolas Sarkozy voulait «débarrasser» de la «racaille» , Argenteuil est administrée depuis 2001 par le député maire UMP George Mothron, adepte d’une politique musclée contre l’insécurité. En 2007, la ville s’est dotée d’un système de vidéosurveillance et a mis en place un espace municipal de sécurité dans les anciens locaux de la Banque de France. Le maire s’est aussi fait connaître pour avoir pris un arrêté antimendicité et prôné l’utilisation d’un produit «répulsif» pour les sans-abri. Face à l’émoi suscité, George Mothron est revenu sur ces initiatives, précisant qu’il «ne regrettait pas le principe du spray» . Le taux de criminalité de la circonscription de police d’Argenteuil est aujourd’hui de 80,43actes pour 1~000habitants, légèrement sous la moyenne nationale. En revanche, le taux de résolution des affaires par les services de police n’est que de 26,07~%, sous la moyenne départementale (28,83~%). Des résultats relatifs donc, qui n’ont pas empêché François Fillon de venir «montrer que la sécurité reste une préoccupation essentielle du gouvernement» . Un thème toujours porteur avant des municipales dont les résultats s’annoncent incertains…

Certes «Bolbec n’est pas Chicago» , mais cette ville ouvrière, fragilisée par la décomposition de son tissu industriel, était confrontée à des pratiques délinquantes ciblées (vols, trafics de drogue, dégradations) à l’arrivée de la gauche. Plutôt que le tout-répressif, Michel Havard, maire communiste de cette commune (13 000habitants) de Seine-Maritime, a choisi de mettre en oeuvre un contrat local de sécurité et de prévention de la délinquance (CLSPD), une façon de «repolitiser le traitement de l’insécurité» . Ce plan a permis de mener collectivement une politique de lutte contre l’insécurité. Parallèlement à la police nationale, qui assume son rôle répressif, tous les acteurs sociaux (travailleurs sociaux, enseignants, agents municipaux) ont des pratiques de contrôle. Une manière de rappeler que la cohésion sociale est non pas une alternative, mais bien un complément indispensable à la répression, dans un objectif de «gestion des risques» . Avec au final, une «tranquillité retrouvée» .

Deux usages de la fiscalité

Dans l’imaginaire politique, la gauche augmente les impôts quand la droite diminue la pression fiscale. Si le principe n’est pas tout à fait faux, puisque à travers les impôts il est question de redistribution et donc d’une certaine conception de la vie sociale, la réalité est plus nuancée.

Après trente-six ans d’une gestion communiste dénoncée pour ses excès fiscaux, Nicole Goueta (UMP) prend les rênes de Colombes (Hauts-de-Seine) en 2001 avec la promesse de baisser les impôts. Dès 2002, elle les augmente de 30%! En 2006, le Parisien chiffrait l’augmentation de la fiscalité locale à 37,74%. Àquelques semaines des élections, la maire, qui ne cache pas sa volonté d’ «augmenter le potentiel fiscal de Colombes» , a annoncé une forte baisse des impôts de… 10% en 2008. Son opposant socialiste, Philippe Sarre, estime que Nicole Goueta «prend les électeurs pour des idiots. La ficelle est grosse; tout le monde comprend bien qu’il s’agit depuis le début d’une utilisation politicienne de la fiscalité; le seul dommage dans tout cela, c’est que les Colombiens en ont été de leur poche et qu’ils ont payé, sans que cela soit nécessaire, des centaines, voire des milliers d’euros supplémentaires de taxes ces sept dernières années.»

Jeune maire communiste de Sevran, à la tête d’une commune parmi les plus pauvres d’Île-de-France, avec 16% de chômage pour 51000habitants, Stéphane Gatignon a trouvé à son arrivée des recettes fiscales dramatiquement faibles malgré un taux d’imposition parmi les plus élevés de Seine-Saint-Denis. Impossible de les augmenter. Face à des besoins énormes ­équipements publics anciens, entretien des écoles, places en crèche, accueil des enfants à la cantine, etc.­, la nouvelle équipe a dû limiter ses dépenses: personnel administratif et social réduit, faibles subventions aux associations… La mairie, qui occupe des préfabriqués depuis trente ans, ne peut pas mettre en place tous les services publics souhaités, mais obtient néanmoins des résultats encourageants en matière de développement économique. Le maire, qui affirme «faire ce qu’il peut» , réclame une réforme de la fiscalité locale fondée sur une solidarité budgétaire entre collectivités locales, afin de régler le problème des inégalités territoriales.

Politique
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