Fragile réconciliation

Les deux principaux mouvements palestiniens, le Fatah et le Hamas, ont repris un difficile dialogue sous l’égide du Yémen.

Denis Sieffert  • 27 mars 2008 abonné·es

Est-ce le début d’une fragile réconciliation ou bien une tentative vouée par avance à l’échec ? Tout est affaire d’interprétation. Le texte rédigé dimanche à Sanaa (Yémen) par le chef du groupe parlementaire du Fatah, Azzam al-Ahmad, et par Moussa Abou Marzouk, numéro deux du bureau politique du Hamas, stipule : « Les mouvements Fatah et Hamas sont convenus de considérer l’initiative yéménite comme un cadre pour la reprise du dialogue entre eux en vue de revenir à la situation palestinienne antérieure aux événements de Gaza, afin de confirmer l’unité de la patrie palestinienne en tant que terre, peuple et autorité. » Évidemment, le Fatah s’est empressé de mettre l’accent sur la condition d’un retour à la « situation antérieure » à la prise de contrôle de Gaza par le Hamas, au mois de juin dernier. Alors que le représentant du mouvement islamiste insistait sur un simple « cadre pour la reprise du dialogue ». L’ambiguïté naît sans aucun doute à cette référence vague à la « situation antérieure ». Car s’il est évident pour tout le monde que l’accord devrait conduire le Hamas à renoncer rapidement à son contrôle sur Gaza, et permettre au Fatah et à l’Autorité palestinienne de reprendre pied dans ce territoire, il est non moins évident que les conditions ne peuvent pas être tout à fait les mêmes que celles qui ont précédé les affrontements de juin 2007. Sauf à déplorer que les mêmes causes n’entraînent les mêmes effets.

Àl’origine du conflit entre les deux mouvements, il y avait notamment, on s’en souvient, la question du contrôle des organes de sécurité. À l’époque, Mahmoud Abbas avait souhaité que la police reste sous son contrôle. Le Hamas avait vu dans cette décision un refus du président de l’Autorité palestinienne de reconnaître le résultat des élections de janvier 2006 dans toutes leurs conséquences. Le mouvement islamiste avait répliqué en créant sa propre milice, la Force exécutive. C’est pourquoi, selon le Hamas, le « coup de force » de juin 2007 résultait d’un autre coup de force, antidémocratique, du Fatah. Ce qui rend l’affaire un peu plus complexe que la lecture manichéenne qu’en donnent généralement la plupart des médias occidentaux. Dans le retour à la « situation antérieure », Mahmoud Abbas est-il prêt à céder quelques ministères clés au Hamas avec l’ensemble des attributs qui reviennent au vainqueur des élections ? C’est, à court terme, de la réponse à cette question que peut dépendre le retour à un gouvernement d’union nationale, pourtant indispensable dans la situation présente. Le sommet de la Ligue arabe, prévu dans les prochains jours à Damas, devrait reprendre à son compte la déclaration de Sanaa pour exercer une pression sur les deux protagonistes de la crise inter-palestinienne. L’autre question en suspens demeure la convocation d’élections anticipées. Le Hamas, victorieux du scrutin de janvier 2006, n’y a guère intérêt dans l’immédiat.

Évidemment, responsables israéliens et américains font tout, ces jours-ci, pour faire échouer une réconciliation qu’ils redoutent. Avec sa finesse habituelle, le vice-président américain Dick Cheney, présent dans la région dimanche et lundi dernier, s’est même permis de parler au nom de Mahmoud Abbas : « Il n’y aura pas de réconciliation si le Hamas ne renonce pas au pouvoir à Gaza », a-t-il dit, comme s’il était lui-même partie prenante de la négociation. Or, comme on l’a vu, le « pouvoir à Gaza » n’est pas vraiment le problème. Le Hamas y renoncera évidemment s’il juge équitable le partage du pouvoir au sein d’un gouvernement d’union. Côté israélien, tout est dit et fait pour provoquer l’échec. Plusieurs voix se sont élevées pour menacer Mahmoud Abbas d’une rupture des « discussions de paix » avec Israël s’il renouait avec le Hamas. Le problème est toujours le même : de quelle « discussion de paix » s’agit-il quand Israël ne donne aucune contrepartie au président de l’Autorité palestinienne ? Et surtout pas le gel de la colonisation en Cisjordanie. Partenaire d’Abbas en paroles et ennemi juré du Hamas, le gouvernement israélien fait tout le contraire en actes. Il ne cesse de décrédibiliser le premier et de renforcer le second.

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