Culture / Un bon plan contre l’information-marchandise

Didier Delinotte  • 30 avril 2008 abonné·es

Il y eut d’abord le Plan B, B pour Black, conspiration révolutionnaire dont le scénario n’est jamais sorti du cerveau subversif des dirigeants du Black Panther Party américain à la fin des années 1960, avant le désastre nixonien et la répression. Chester Himes s’est jadis fait l’écho, à sa manière hilarante et désespérée, du contenu de ce plan avorté.

Plus près de nous, on se souvient de la forte sentence du curé eurobéat Delors – « il n’y a pas de Plan B » –, pour mettre en garde les empêcheurs de libéraliser en rond qui refusaient le sacro-saint traité constitutionnel européen.
Au risque de démentir le docte Eurocrate, je puis néanmoins affirmer que le Plan B existe, qu’il cogne, vocifère et mord. Bien vivant donc, et se battant contre le PPA (Parti de la presse et de l’argent) avec un humour féroce, une intelligence caustique et un gros cœur militant.

Au départ, on a un réalisateur télé non-conformiste et dérangeant, Pierre Carles, qui, las de se voir refuser ses projets, passe au cinéma avec le resté fameux Pas vu à la télé , documentaire sur les liens de connivence entre les politiques et les leaders du PPA, illustrée par une conversation décontractée entre Moujeotte et Léotard. Le film, soutenu par l’association « Pour voir pas vu », créée pour la circonstance, devient un blockbuster, comme disent les critiques de Première . Pour continuer ce travail salutaire, Carles casse sa tirelire et, s’entourant de bourdieusiens en colère (Halimi, Rimbert, Balbastre…), fonde le bimestriel Pour lire pas lu , dont le but affiché est de décortiquer les mensonges et omissions du PPA, en lien avec l’Acrimed (Association de critique des médias), vitrine universitaire où, sous la houlette d’Henri Maler, des spécialistes de l’information mettent au jour les impostures, dissimulations, raccourcis et désinformation générale du PPA.

Les « sardons », lecteurs assidus et militants, un peu à la manière des « canetons » pour le vénérable Canard , se régalent, et les rédacteurs s’en donnent à cœur joie pour chahuter méchamment les icônes de l’information-marchandise, décernant la « laisse d’or » au plus servile et nous relatant les minutes hilarantes de procès pour rire de quelques fleurons du journalisme-spectacle.

En 2006, Gilles Balbastre, Lillois d’adoption, ancien de FR3-Bordeaux, fonde le Plan B sur « les décombres » de PLPL avec son complice Pierre Rimbert et la bande du Fakir , journal de contre-information picard animé par Christophe Ruffin.

Le résultat de la fusion est explosif. Plus drôle, plus teigneux. Plus à l’écoute du monde ouvrier, et, pour preuve, on voit la silhouette de Gilles B. battre le pavé lillois les jours de manif avec ses exemplaires sous le bras.

Et à ceux qui estiment que le Plan B est excessif dans la hargne, qu’ils pensent à la violence patronale policée et auto-satisfaite et à ses conséquences : les suicides dans les entreprises dus à la souffrance au travail. Le Plan B est encore trop tendre en comparaison. Au fait, le numéro 13 vient de sortir. Lecteurs de Politis qui n’aimez pas le PPA, ce journal est pour vous.

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