Mineurs en ligne de mire

Ingrid Merckx  • 24 avril 2008 abonné·es

Rien n’est encore fait, mais il y a lieu de s’inquiéter : la ministre de la Justice a lancé un groupe de travail chargé de réformer l’ordonnance de 1945 qui pose le principe d’une justice sur mesure pour les mineurs, avec des magistrats et des juridictions spécialisés, des mesures et des sanctions adaptées. « Les Français expriment des doutes sur l’efficacité de la justice, pensent que certains jeunes échappent à la loi » , justifie Rachida Dati, en ajoutant que la primauté de l’éducatif sur le répressif, principe qui fait la valeur de ce texte, a « perdu de sa pertinence » . En gros, les mineurs seraient plus dangereux qu’avant. Ce qui n’est pas prouvé. Si la réforme fait plutôt consensus, d’aucuns s’interrogent sur la direction qu’elle va prendre. Il est besoin, par exemple, que ce texte fixe un âge minimum de responsabilité pénale. Ce seuil en dessous duquel aucune condamnation n’est possible existe dans la plupart des pays européens. Mais il est de 7 ans en Grèce, de 10 en Grande-Bretagne, de 12 en Suède, aux Pays-Bas et en Italie, et de 14 en Allemagne. Quel sera-t-il en France ? Au minimum de 12 ans, comme le recommande le Comité des droits de l’enfant des Nations unies, réclament les signataires d’une tribune parue dans le Monde (15 avril), dont Claire Brisset, ancienne défenseure des enfants, Boris Cyrulnik, neuropsychiatre, et Fabienne Quiriau, présidente de la Commission enfance de l’Unicef. Ils redoutent en effet qu’à trop vouloir sanctionner, le seuil de responsabilité pénale soit fixé au plus bas.

Ce n’est pas le seul sujet de crispation : dans la droite ligne des lois Perben I et II et de la loi de 2007 sur les peines planchers écartant l’excuse de minorité pour les plus de 16 ans, la réforme de l’ordonnance de 1945 laisse poindre un nouveau durcissement des textes répressifs. Or, « sur les 13 millions d’enfants et d’adolescents, la plupart grandissent sans problème majeur : seuls 85 000 ont été présentés à un juge en 2006, soit moins de 1 % d’entre eux, rappellent-ils. Loin du laxisme régulièrement souligné par l’un ou l’autre, la réponse pénale à leurs actes délictueux s’élève à plus de 85 % ». Le problème, c’est que les mesures éducatives sont appliquées avec des mois de retard, faute de moyens, notamment humains et médicaux. Mais, depuis 2002, les moyens sont mis sur le répressif et non sur l’éducatif. Présidé par le juriste André Varinard, le groupe de travail doit remettre ses propositions au plus tard le 1er novembre.

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