Moiteur caraïbe

Le vallenato, venu de Colombie, donne à entendre des poèmes réalistes sur des rythmes trépidants.

Denis Constant-Martin  • 10 avril 2008 abonné·es

De loin, on imagine mal la diversité, notamment musicale, de la Colombie. La créolisation y a entraîné l’apparition de formes nouvelles, nées du mélange des héritages amérindiens avec des apports africains et européens. De ces musiques, on connaît surtout un genre particulièrement intense de salsa. Mais celui-ci s’est développé sur un substrat de musiques plus anciennes qui continuent de fournir à la vie sociale un contrepoint poétique et sonore. Tel est le vallenato .

Il faut imaginer, par exemple, Barranquilla, ville industrielle de la côte caraïbe, pas très avenante au premier abord, mais qui se réveille chaque année pour l’un des plus beaux carnavals du continent. Un soir un peu moite, une vaste cour bordée de préaux sous lesquels sont installés de petites tables, un espace central pour la danse et, au fond, une scène. Deux accordéonistes-chanteurs, devant une section rythmique, qui se relaient, dialoguent, se mesurent, ou font semblant, sur des rythmes classiques joués à des tempos le plus souvent ultrarapides.

La musique est forte, dansante, prenante. Pourtant, elle n’est que le support de poèmes, préparés ou improvisés, qui évoquent les réalités quotidiennes vécues par l’auditoire, sans oublier la politique et ceux qui la font, loués ou voués aux gémonies selon les cas. C’est l’exploit toujours renouvelé du vallenato : mettre dans une langue en même temps populaire et raffinée, sur des musiques faussement simples, enracinées dans l’histoire, une chronique, souvent drolatique, de la vie des habitants.

La plénitude du vallenato est telle qu’en dépit de son extrême localisme, il voyage fort bien. Et ses hérauts, Nafer Duran et Ibo Luis Diaz, qui participeront au Festival de l’imaginaire, sont particulièrement à même de le démontrer.

Culture
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