Vers l’État minimal

La réforme générale des politiques publiques, lancée en juillet 2007, est un chantier d’ampleur qui va affaiblir les services publics au nom des économies nécessaires.

Politis  • 8 mai 2008 abonné·es

RGPP

Ce sigle ne désigne plus seulement un service de renseignement policier rattaché à la préfecture de police de Paris, mais, depuis le 10 juillet 2007, la Révision générale des politiques publiques. Matrice de la plupart des réformes affectant les services publics, cette « RGPP », volontiers présentée comme la grande œuvre du quinquennat, poursuit officiellement un triple objectif : améliorer leur qualité, rationaliser la dépense publique et valoriser le travail des fonctionnaires. Dans les faits, il s’agit prioritairement de réduire les dépenses de l’État pour rentrer dans les clous de ­l’Union européenne, qui impose un déficit inférieur à 3 % et une dette publique limitée à 60 % du PIB. C’est ainsi que 200 personnes, réparties en 25 équipes d’audit, issues des corps d’inspection de l’administration et de cabinets privés, ont commencé à passer au peigne fin les 1 000 milliards d’euros de dépenses de l’État, réexaminant ses missions et traquant les économies possibles, même les plus minimes.
Lors de sa seconde réunion, le 4 avril, le Conseil de modernisation des politiques publiques, créé pour mettre en œuvre la RGPP et présidé par Nicolas Sarkozy en personne, a arrêté 166 mesures devant permettre de réaliser 7 milliards d’euros ­d’économies d’ici à 2011 dans de nombreux secteurs : administration territoriale de l’État, logement, aides aux entreprises, orientations sur l’emploi, diplomatie, services administratifs de la Défense… Dans le courant de ce mois, une autre réunion devrait arrêter 5 milliards d’économie supplémentaire concernant notamment la Sécurité sociale et la solidarité. Avec toujours le même leitmotiv : on ne dit plus « rigueur » mais… « réforme ».

Fusion ANPE-Unedic

La loi relative à la réforme de l’organisation du service public de l’emploi a été promulguée le 13 février. Elle met en place un opérateur unique issu de la fusion ANPE-Unedic, qui doit « faciliter l’adéquation entre l’offre et la demande de travail » . Il est chargé de simplifier les ­démarches des demandeurs d’emploi et d’offrir une gamme de prestations complètes. Le SNU-ANPE dénonce « la tentative de liquidation du service public » et la « création d’un organisme conçu comme une machine répressive à l’encontre des chômeurs ». Ce que ne dément pas la volonté affirmée du gouvernement de pénaliser ces derniers au deuxième refus d’une offre d’emploi « acceptable » , c’est-à-dire requérant moins de 2 heures de trajet par jour et rémunéré au moins 70 % de leur ancien salaire, quels que soient le métier, la nature et la durée du contrat.

Carte judiciaire

En dépit des mobilisations du monde de la justice en novembre et décembre, deux décrets parus les 15 et 17 février ont modifié le siège et le ressort des tribunaux d’instance, des juridictions de proximité et des tribunaux de grande instance. Au 1er janvier 2011, il y aura en France 862 juridictions contre 1 190 avant la réforme. Les tribunaux de prud’hommes sont aussi affectés, et 63 d’entre eux disparaissent fin 2008, faisant craindre un engorgement préjudiciable aux salariés. Toutes les fermetures étaient-elles justifiées dans tous les territoires ? Et quid de la justice de proximité dans cette réorganisation en « grands pôles » découlant de mesures d’économie bien plus que d’un souci de rendre la justice plus efficace ?

Carte hospitalière

Un peu sur le même principe que la carte judiciaire, le président de la République a rendu public, le 17 avril, un plan de réforme pour l’hôpital prolongeant la réorganisation des besoins de santé dans le sens du regroupement de grands centres hospitaliers. L’idée étant d’optimiser les dépenses et de supprimer progressivement les services jugés pas assez rentables.
Cinquième réforme concernant l’hôpital en cinq ans, celle-ci s’inspire du rapport remis au président par Gérard Larcher : « Sur un territoire donné, les établissements hospitaliers seront incités à mettre en commun leurs moyens. Il y aura ainsi un hôpital de référence, qui sera le lieu des compétences médi­cales obligatoires, qui travaillera en coopération avec des hôpitaux locaux. […] Il n’y a pas de modèle unique, tout se fera sur le volontariat. » Le risque étant que la réorganisation finisse par dessiner deux France : l’une concentrant tous les moyens hospitaliers, l’autre voyant le désert médical progresser.

Plan banlieue

Nicolas Sarkozy avait annoncé un « plan Marshall » des banlieues. Fadela Amara, secrétaire d’État en charge de la Politique de la ville, l’avait baptisé « Espoir banlieue ». Après les violences de novembre 2005 et une aggravation des inégalités dans les quartiers populaires depuis trente ans, tout le monde avait plutôt envie de jouer le jeu. Résultat, le 8 février, Nicolas Sarkozy rendait publique une flopée de mesures ni ­neuves ni chiffrées. Au rayon emploi : lancement d’un « contrat d’autonomie » visant à « accompagner vers l’emploi » 100 000 jeunes, et favoriser la création de 20 000 entre­prises. Au rayon éducation : augmentation des écoles de la seconde chance et des internats d’excellence, et « busing » (déplacement d’un enfant d’un établissement difficile vers une école favorisée).
Au rayon sécurité : 4 000 policiers supplémentaires dans les quartiers sensibles. Au rayon administration : un représentant de ­l’État par quartier selon un système de ­primes aux volontaires (au relent colonial). Seul chiffre avancé dans tout cela : 500 millions d’euros pour développer les transports en commun. Soit moitié moins que ce que Fadela Amara avait annoncé. Pour le reste, « redéploiement » du budget des ministères, effort porté sur les collectivités… L’État s’en sort pour pas cher. C’était ça, le plan.

Partenariats public-privé

Actuellement en discussion à l’Assemblée nationale, le projet de loi relatif aux contrats de partenariat défendu par Christine Lagarde permettra à l’État de déléguer au secteur privé la construction, la gestion et parfois l’exploitation d’équipements publics. Ces contrats de partenariat, créés en 2004, ouverts jusque-là à des projets qualifiés d’ « urgents » ou de « complexes » vont cesser d’être une exception. Le dispositif a certes l’avantage de ne pas grever la dette publique, mais les concessions accordées à des entreprises privées, souvent pour plusieurs dizaines d’années, créent une dette différée génératrice de rente et de profit pour ces sociétés, et dont les citoyens auront toutes les peines à s’affranchir.

Politique
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