Le cèdre et le cidre

Du 16 au 23 août, le festival de Douarnenez programme des œuvres libanaises et bretonnes. Et appelle à défendre la place des arts et de la culture dans les politiques publiques

Manon Besse  • 24 juillet 2008 abonné·es

Militant et atypique. Le festival de Douarnenez a été fondé en 1978 et s’est attaché depuis cette date à promouvoir des filmographies méconnues. L’art y est à la fois affirmation identitaire et vecteur ­d’émancipation. Du Kurdistan à la culture yiddish en passant par la communauté mexicaine des États-Unis, Douarnenez donne à voir un cinéma singulier, témoin de société.
Deomp war-zu al… Liban. Traduction de la version bretonne : « En route vers le Liban ». Ce sont donc des films venus de la terre du cèdre qui seront présentés cette année. La programmation foisonnante tend à élargir la vision de la société libanaise, trop souvent appréhendée à travers le seul prisme des bouleversements politiques du pays.

L’éclectisme sera de mise pour cette 31e édition : fictions, animations et documentaires, avec entre autres des films de Fouad Elkoury, Jocelyn Saab ou Rania Stephan. Une multitude d’invités seront présents : cinéastes, écrivains, chercheurs, ­photo­­graphes… Citons une rétrospective Ghassan Salah, cinéaste « travaillant à la marge » , qui présentera quatre de ses films. Dans Beyrouth fantôme (1998), il filme des personnages philosophes, l’attente, le retour d’un disparu, et dévoile peu à peu Beyrouth. Poésie d’une ville où le temps semble suspendu et où le silence n’existe pas. Danièle Arbid, quant à elle, croque avec malice des portraits de femmes dans le Liban des années 2000 ( Conversation de salon, 2004). Mouvement et vie, voilà l’impression que laisse Perfect Day (2005), de Johanna Hadjithomas et Khalil Joreige. Vingt-quatre heures du parcours d’un homme à la recherche de la femme qu’il aime mais qui ne veut plus de lui. Un cinéma qui met en lumière la vitalité artistique de la capitale libanaise.
La situation géopolitique du pays et les pro­blèmes auxquels sont confrontés les Libanais ne seront pas pour autant occultés. Plusieurs sections du festival abordent ainsi la question des réfugiés palestiniens, les enjeux du Sud-Liban ou encore les années de guerre civile.

Le dynamisme de la création contemporaine libanaise ne se résume pas au seul champ cinématographique. Ainsi, on pourra voir Littoral, film d’un spectacle de Wadji Mouawad, auteur et metteur en scène, prochain artiste associé du festival ­d’Avignon (voir article page 36), mais aussi des vidéos expérimentales et des expositions. Nos oreilles ne seront pas en reste. Outre l’excellent trompettiste Ibrahim Maalouf, on pourra écouter le son rock de The New Governement ou encore apprécier la présence de Zeid Hamdan, figure de proue de la nouvelle scène libanaise. Enfin, tables rondes, café littéraire et cuisine libanaise complèteront le voyage.
De voyage, il sera question avec François Maspero. Le festival lui a donné carte blanche pour réaliser sa programmation. L’homme aime un cinéma à son image, engagé et pluriel. L’occasion de découvrir des films de Robert Kramer, Chris Marker ou Santiago Alvarez. Éloge d’un cinéma politique, en lutte, à la recherche de liberté.

À Douarnenez, on fait se répondre l’individuel et le collectif, le local et l’universel, le proche et le lointain. Chaque année, le festival présente donc son Grand Cru Bretagne, films tournés ou produits dans la région, une façon de promouvoir et d’alimenter la culture bretonne. Un festival bien ancré dans son territoire, donc. Pourtant, trente ans d’existence n’ont pas suffi à convaincre la nouvelle mairie UMP de son importance dans le paysage culturel local. Même si celle-ci a alloué 40 000 euros (le budget total étant de 300 000 euros) au fonctionnement du festival, elle s’est montrée fort peu encline à la collaboration : problèmes au niveau du prêt des locaux et du stationnement… Peut-on voir dans cette attitude un prolongement du désengagement étatique en matière de politique culturelle ? On serait tenté de faire le rapprochement.
À la fin de la version papier du programme, figure un manifeste rédigé par les respon­sables du festival. Ils appellent à défendre « la place des arts et de la culture dans les politiques publiques » , reflétant les inquiétudes qui sous-tendent le milieu culturel à l’heure actuelle. Douarnenez s’alarme à juste raison.

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