Le cerveau explosé de l’exilé

Wajdi Mouawad conclut en beauté le festival d’Avignon avec « Seuls ».

Gilles Costaz  • 24 juillet 2008 abonné·es

Tandis que le « off » joue les prolongations, le festival « in » d’Avignon s’achève en mettant la barre du côté des nouvelles générations d’auteurs. Il y a à l’affiche, pour conclure, Joël Pommerat, dont le Je tremble est, pour moitié, un inédit (le premier volet a été créé aux Bouffes du Nord), et Wajdi Mouawad, venu de Montréal jouer en solo sa pièce Seuls. On saluera à une autre occasion Joël Pommerat, l’un de nos écrivains les plus intéressants de la génération montante. On s’attachera aujourd’hui à Wajdi Mouawad, d’autant plus qu’il sera l’artiste invité de la prochaine édition du festival.

Mouawad, qui, à 40 ans, est déjà fort connu du public de théâtre, est un Libano-Québécois. Comme bien d’autres familles peu ou prou francophones du Proche-Orient, ses parents, chassés par les conflits, sont revenus grossir la communauté libanaise de Montréal. L’œuvre de Mouawad parle de cette histoire à la fois personnelle et mondiale, qui ne ­s’apaise jamais : l’humanité s’entretue et, dans l’exil, le réfugié ne trouve qu’un apaisement provisoire ; il est amputé de sa culture et en quête d’une mémoire disparue. Bien des pièces de l’auteur ont exprimé déjà cette accumulation de douleurs sous la forme de grandes fresques qui rejoignent la tragédie antique et donnent à des fables contemporaines une dimension intemporelle.

Son dernier texte, Seuls, nous ramène à ces hantises mais par un tout autre chemin. Mouawad se représente en étudiant faisant une thèse sur son aîné, Robert Lepage. Rendant hommage à cet artiste qui, pour lui, fait tomber les frontières du théâtre, il part sur ses traces en enquêteur universitaire. Mais Lepage est injoignable, et la pensée du personnage disjoncte ; son cerveau explosé, il est tout à coup un peintre primitif, traçant de grands traits de couleurs. Admirable fusion de la douceur et de la violence !

Culture
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