L’imprécision des machines

Manon Besse  • 16 juillet 2008 abonné·es

Il était temps. Chantal Enguehard vient de réaliser la première étude sur la fiabilité du vote électronique en France. Pour son travail, cette chercheuse du Laboratoire d’informatique de Nantes-Atlantique a examiné les dernières élections à la loupe. Et tout particulièrement les écarts entre le nombre d’émargements, c’est-à-dire les signatures de chaque votant, et de votes, qui sont le nombre de bulletins réels (enveloppes dans l’urne) ou virtuels (totaux de la machine). Sa conclusion est sans appel : 30 % des bureaux de vote électronique présentent des différences entre le nombre d’émargements et le nombre de votes, contre 6 % dans le cas d’un vote classique avec urne.
Le chiffre peut surprendre, mais il est éloquent. D’autant qu’à l’analyse ni la taille du bureau de vote, ni le temps d’apprentissage, ni la réticence des électeurs n’a d’impact sur le taux d’erreur des ordinateurs de vote. Le vote électronique délivre donc bien des résultats moins fiables que le vote à l’urne. Petit détail intéressant, les Pays-Bas, pourtant pionniers en matière de vote électronique, ont décidé d’abandonner ce système. Mais ne nous inquiétons pas pour le géant néerlandais de la construction électronique Nedap. Ses ordinateurs trouvent désormais leur place dans les bureaux de vote
français.

Plus étonnant encore, moins de la moitié des mairies sollicitées ont répondu à l’appel de l’Observatoire du vote. Par excès de pudeur, sans doute : les petits « arrangements avec les chiffres » sont monnaie courante quand il faut faire coïncider le nombre d’émargements et le nombre de votes. Le respect du code électoral apparaît ainsi plus que relatif suivant les communes.
C’est en croisant les sources d’informations, notamment les procès-verbaux des bureaux de vote et des mairies, que les principales erreurs ont été découvertes. Or, comme c’est le cas en France, plus le processus de traitement des données est centralisé, moins il est contrôlable. À ce titre, on comprend que la question du vote sur Internet suscite encore plus d’inquiétudes.
En conclusion de la présentation de l’étude de Chantal Enguehard, Jean-Didier Graton, président de l’Observatoire du vote, tirait la sonnette d’alarme, le 8 juillet : « Il est temps que la France entre dans la modernité et mette enfin en place des observateurs indépendants. » Au-delà de la remise en cause du vote électronique, l’Observatoire entend bien pointer le manque de transparence du système électoral français. Et rappeler que la démocratie est une chose fragile… sous toutes les latitudes.

Politique
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