Faire sa fête à la PAC

Tandis que les ministres de l’Agriculture se réunissent pour un sommet européen, des paysans organisent des rassemblements pour défendre une autre politique agricole commune. (Lire sur le même thème et en accès libre l’article Moutonniers sur la paille)

Claude-Marie Vadrot  • 18 septembre 2008 abonné·es

Trois politiques agricoles, au moins, vont s’affronter en fin de semaine à Annecy. La politique française, qui consiste à donner toujours plus à l’agriculture et à l’élevage intensifs défendus par la FNSEA ; la politique européenne, qui voudrait bien cesser de financer n’importe quoi et les producteurs de maïs, de blé ou de betteraves ; et enfin une politique de paysans « concernés » , qui veulent simplement « une agriculture pour vivre ». Les uns se retrouveront du 21 au 23 septembre lors d’un sommet européen informel des ministres de l’Agriculture, sous la présidence du ministre de l’Agriculture, Michel Barnier. Et les paysans qui veulent sauver à la fois leur métier et le milieu naturel se réuniront en contre-sommet à l’initiative de la Confédération paysanne, les 20 et 21 septembre. Avec le soutien des Amis de la Terre, de Greenpeace et d’Attac.

Illustration - Faire sa fête à la PAC

Manifestation à Bordeaux, le 23 mars 1999, contre la réforme de la Politique agricole commune. Guillot/AFP

Jean Vulliet, éleveur de Haute-Savoie et secrétaire régional de la Confédération paysanne, responsable des rencontres, réfute le terme de « contre-sommet ». « Nous organisons un sommet “pour”, un rassemblement pour rappeler et prouver que des alternatives à l’agriculture intensive existent. Cette fois, nous sommes en présence d’un mouvement plus large que les précédents, une alliance entre les paysans, Attac et les environnementalistes. Parce que nous avons les mêmes exigences, et pas seulement à l’échelle de la France, sur la question de l’eau, des pesticides, des méthodes de culture qui épuisent les terres et les gens. Nous cherchons un rapport de forces et nous sentons qu’un mouvement plus large est possible. »
Avant de partir dans la montagne pour ramener son troupeau de l’estive plus tôt qu’à l’ordinaire, afin de participer aux ateliers et conférences de la fin de semaine, le militant de la Confédération explique : « Avec Michel Barnier, la confrontation n’est pas ­simple car il a souvent un discours, français ou européen, intéressant. Mais ses déclarations contredisent la plupart de ses actes ou de ses décisions. Par ­exemple, alors que les Allemands ont voté contre, il s’est abstenu sur la suppression des quotas laitiers. Et sur la question des subventions, il a été pire que les préconisations de la Commission européenne, avec des aides catastrophiques pour les agriculteurs qui respectent l’environnement. Tout cela au profit des céréaliers qui s’en ­mettent plein les poches. Même reproche, évidemment, en ce qui concerne les OGM ou les pesticides. »
Dimanche, pendant la manifestation qui sillonnera Annecy, le ministre de ­l’Agriculture recevra une délégation des militants venus contester la Politique agricole commune (PAC) et ses interprétations françaises. Des réponses fournies dépendra la tonalité d’un cortège qui devrait réunir au moins une dizaine de milliers de personnes.
Les ateliers et les conférences réuniront quelques « vedettes », notamment José Bové, Arnaud Apoteker (Greenpeace), Aurélie Trouvé (Attac), l’agronome Jean-Pierre Berlan, Mathieu Dunand (Amap), Christian Vélot (lanceur d’alerte) et Edgard Pisani, ancien ministre de ­l’Agriculture, qui affirme plus que jamais : *« L’alimentation est le plus ancien des problèmes politiques, et la politique agricole doit être perçue comme une nécessité objective imposée par la sécurité alimentaire et par le souci de notre espace naturel. »
*
Le contre-sommet « positif » abordera aussi bien la question de la PAC que celles de la souveraineté alimentaire, des agro­carburants, du commerce équitable, de la biodiversité, des dangers du libre-échange, de l’élevage de montagne, des abeilles, des OGM, et des alternatives aux pesticides et aux engrais chimiques. Autant de thèmes et de problématiques qui ne seront guère ceux des 27 ministres de l’Agriculture. D’ailleurs, ils ne travailleront en fait que trois heures et demie, le mardi 23 sep­tembre, dans le très chic Impérial Palace d’Annecy. Pas de quoi bouleverser l’agriculture européenne ni préparer maintenant la nécessaire et radicale réforme de la PAC que souhaite le collectif de mobilisations réuni par la Confédération paysanne.
Or, l’Union européenne s’apprête à nouveau à réviser les contours de sa politique agricole dans le « bilan de santé de 2008 » et dans la PAC d’après 2013, fin prévue de l’actuelle politique. Tout se prépare dans le secret des cabinets, mais, comme personne n’est d’accord, le ministère de l’Agriculture a réduit au minimum sa communication préalable.

Le scénario du spectacle est arrêté. Mais, avant le « happy end » que ne manquera pas de célébrer Michel Barnier, les dialogues laborieux de ce théâtre européen devraient rester en panne jusqu’à la fin de la semaine. Cela ne sera pas le cas pour les contestataires rassemblés à Annecy, qui débattront et détailleront publiquement les solutions qu’ils préconisent. Pour que ni les paysans, ni les pays du Sud, ni les milieux naturels ne soient sacrifiés aux profits et au libéralisme.

Temps de lecture : 4 minutes