La nuit hospitalière

Alain Macé joue un texte de Lagarce plongé dans l’univers médical, sur la perte de repères.

Gilles Costaz  • 4 septembre 2008 abonné·es

En 1993, un auteur, Roland Fichet, commande à un autre auteur, Jean-Luc Lagarce, un texte théâtral pour un ensemble appelé Récits de naissance . Au lieu de rendre un manuscrit qui parlerait de mise au monde, Lagarce envoie Apprentissage , où dominent ses nouvelles hantises : l’hôpital, les traitements contre un mal (le sida) qu’il évoquera souvent, ne nommera jamais et dont il mourra deux ans plus tard. L’« apprentissage », c’est celui de la perte de ses sensations et de ses repères, de la vie avec un tuyau vert planté dans la narine, l’immersion dans un monde où tout n’est que malades, soignants et visiteurs. Où est donc la référence à la « naissance » qui conditionnait la commande ? En fait, il s’agit d’une renaissance. À la fin du récit, le personnage sort de l’hôpital. Et il revit. Modestement. Il achète des cerises et va les manger à l’abri, par peur d’être écrasé par les voitures…
C’est du théâtre sans dialogue, un voyage intérieur dans la conscience pilonnée par la souffrance et les narcotiques. Sylvain Maurice, qui dirige à Besançon le Centre dramatique national (où ce spectacle a été créé avant d’être repris aujourd’hui à Paris), fonde sa mise en scène de l’Apprentissage sur un comédien, Alain Macé, et sur le dérèglement de la perception. Le personnage perd son existence sociale sur une scène dont les contours deviennent de plus en plus indistincts. La lumière fait parfois disparaître le visage de l’acteur, fantôme luttant contre son absorption par la nuit.

Le spectacle de Sylvain Maurice et Alain Macé n’a rien à voir avec la remarquable Ébauche d’un portrait, tirée du Journal de Lagarce par François Berreur et jouée par Laurent Poitreneaux (reprise au Théâtre ouvert du 19 septembre au 18 octobre). Ce n’est pas une biographie, mais un instant où la biographie se dissolve. Macé l’interprète avec une fantaisie inversée, en équilibriste hagard et fascinant.

Culture
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