Le pourquoi d’une « pétaudière »

L’université d’été du PS a tourné à la confusion. Les manœuvres, tractations et trahisons reflètent la crise profonde de la majorité aux commandes depuis 1997.

Michel Soudais  • 4 septembre 2008 abonné·es

À l’ouverture de l’université d’été du PS, François Hollande se voulait rassurant : « Le scénario de La Rochelle se répète souvent, déclarait-il dans Sud-Ouest. On annonce au départ ce rendez-vous comme celui de tous les risques […]. On se fait peur au début et on s’embrasse à la fin. » Souvent n’est pas toujours. Cette année, il n’y eut point d’embrassades finales. Tout à la préparation de leur congrès, qui se tiendra à Reims à la mi-novembre, les responsables socialistes ont étalé leurs divisions sans même donner à voir les divergences politiques qui les justifieraient, affectant un peu plus l’image déjà passablement dégradée de leur parti.
Les nombreux ateliers sur l’avenir de la social-démocratie, l’écologie, le code du travail, la justice sociale ou la laïcité, suivis pourtant avec assiduité par les 4 000 militants présents, n’ont eu aucun écho. Les images fortes sont venues de l’extérieur. Une bise entre Ségolène Royal et François Hollande, séparés depuis la fin de la présidentielle, les yeux humides et la chemise trempée de Bertrand Delanoë devant l’ovation de ses partisans, ou la solitude de Pierre Moscovici sur une terrasse du port, alors que ses anciens alliés déjeunent ensemble dans le restaurant voisin…

Illustration - Le pourquoi d’une « pétaudière »

Moment de simple détente ou de tractations décisives ? LEOTY/AFP

De La Rochelle 2008 ne reste que le récit des manœuvres, des combines, des rapprochements et des trahisons qui se jouaient dans les bars, les hôtels et les restaurants, en marge des travaux de l’université. La presse en a fait ses choux gras en répercutant les plus petits signes de fraternisation ou d’inimitié susceptibles de préfigurer les alliances du congrès. Le « off » a complètement éclipsé le « in ». La faute à qui ? Pas uniquement aux journalistes prévenus, jusque par texto, de rendez-vous qui seraient restés confidentiels sans ces indiscrétions habilement distillées. Prompts à souffler sur les braises, par intérêt idéologique ou commercial, les grands médias deviennent ainsi des acteurs à part entière du congrès à venir. En contribuant à épaissir un peu plus le brouillard sur les enjeux du rendez-vous de Reims.

Que le PS soit devenu une « pétaudière » , suivant le bon mot de Jean-Christophe Cambadélis, n’est pas surprenant. Le départ annoncé de François Hollande, après onze ans passés à la tête du parti, a ouvert le jeu. Libérés de toute allégeance, les « éléphants », ceux qui rêvent d’en être et les barons locaux, qui composaient sa majorité, veulent leur place au soleil. Bertrand Delanoë, héritier de Lionel Jospin, et Ségolène Royal sont partis à la conquête du parti chacun de leur côté. Privés de leur chef, retenu à la direction du FMI, les strauss-kahniens se déchirent : certains comme Alain Bergounioux, Alain Richard ou Michel Rocard roulent pour le maire de Paris ; les autres se partagent entre Pierre Moscovici, candidat à la tête du parti, et Jean-Christophe Cambadélis, qui pousse à une alliance de « reconstructeurs » avec les fabiusiens derrière Martine Aubry. Cela fait beaucoup de prétendants pour un seul poste. Pour espérer l’emporter, chacun tente donc de bâtir une motion capable d’arriver en tête au congrès, faute de pouvoir être majoritaire seul.

Mais sur quoi se différencier ? Les rivaux d’aujourd’hui étaient dans la même majorité depuis le congrès de Brest en 1997. Ils en ont approuvé les orientations et les choix. Ils en partagent le bilan. Et s’accordent encore à vouloir ancrer un peu plus le PS dans le Parti socialiste européen (PSE), dont ils avalisent toutes les positions pourtant adoptées dans de lointains aréopages. Ce qu’ont encore montré les ateliers consacrés, le vendredi, au Manifeste du PSE, au traité de Lisbonne ou à la stratégie des sociaux-démocrates. Faute de porter sur des projets différents, le débat se focalise sur la personnalité et l’image des candidats à la direction, et sur quelques sujets qui permettent de donner le change : des primaires ou pas, un parti de militants ou une association de supporters, avec quelles alliances ?
La seule vraie question qui anime Solferino est de savoir comment redistribuer les postes en préservant la même ligne politique. Le « choc des ego » inquiète François Hollande, qui n’en peut mais, et les grands élus. Ces derniers, bien représentés par la contribution de Jean-Marc Ayrault et des élus de l’Ouest ou celle de Gérard Collomb, Jean-Noël Guérini et Manuel Valls, forts de leurs victoires électorales de 2004 et 2008, cherchent encore la combinaison gagnante qui leur assurerait d’accélérer l’évolution idéologique du PS vers le centre, tout en renforçant leur influence dans le parti. D’où leurs injonctions à exclure la gauche du PS de toutes les combinaisons.
Ainsi repoussé, le NPS de Benoît Hamon et Henri Emmanuelli, qui nourrissait quelques espoirs sur Martine Aubry, rassemblerait bien la gauche du PS sur une seule motion. Si Marie-Noëlle Lienemann et Gérard Filoche ont fait part de leur accord à La Rochelle, Jean-Luc Mélenchon, rejoint par Marc Dolez, n’entend pas taire ses désaccords : il refuse le projet de « grand marché transatlantique » , approuvé par les eurodéputés socialistes, dont Hamon, et la perspective d’un grand parti de la gauche. C’est stylo en main que le sénateur de l’Essonne veut discuter. Et en toute discrétion. À l’ancienne, quoi.

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