Les tarots de la femme à barbe

Adrienne Larue porte les « destins croisés » d’Italo Calvino sous un chapiteau.

Gilles Costaz  • 11 septembre 2008 abonné·es

Larue, est-ce un pseudonyme ? Adrienne Larue, de toute façon, porte bien son nom. Car elle aime les gens des villes, ceux qui vivent au bas de l’échelle, et en forme un certain nombre via des ateliers qu’elle anime et des spectacles qu’elle donne. Son monde, c’est le cirque, mais aux frontières des autres arts. Elle a travaillé avec des plasticiens (Kounellis, Buren) et des écrivains (Robert Filliou, Alain Fleischer). Comme elle fuit les histoires édifiantes, malgré sa passion de la pédagogie, elle a fait, il y a quelques années, avec un texte de Fleischer, un spectacle sur la décapitation : au final, elle apparaissait sa tête dans les mains. Depuis, elle l’a remise sur ses épaules et y a même adjoint une barbe pour le Chapiteau des destins croisés, qu’elle a tiré du Château des destins croisés d’Italo Calvino.
Dans ce texte, Calvino jongle avec les figures du tarot au gré des rencontres aléatoires chères au mouvement de l’Oulipo, dont il fit partie quand il habitait Paris. Sous le chapiteau, la femme à barbe et un magicien tirent les cartes ; les figures qui apparaissent, la Lune, le Diable, la Mort, déclenchent des numéros qui appartiennent au langage du cirque mais se colorent d’une tonalité fantastique.

C’est un petit chapiteau avec une petite troupe : six artistes ! Et la rencontre d’une femme de cirque aguerrie avec une nouvelle génération. Adrienne Larue a d’abord dialogué avec des circassiens inconnus sur le réseau virtuel de Myspace. À l’arrivée, il y a autour d’elle un élégant magicien, Marco Amadori ; une contorsionniste qui prolonge sa gestuelle par le langage des signes, Christelle ; une aérienne qui noue et dénoue la corde qui la porte, Maud Penne ; et un jongleur qui varie les plaisirs de la difficulté, Sylvain Garnavautt. Plus un musicien qui donne au charivari une troublante résonance électronique, Michel Bertier. Bel accord de la vérité du cirque et du mensonge des fictions.

Culture
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