Plantation de boulots

À Romans-sur-Isère, où l’industrie de la chaussure se meurt, le groupe Pôle Sud, qui réunit associations et entreprises de l’économie sociale, s’efforce de favoriser le développement local.

Philippe Chibani-Jacquot  • 25 septembre 2008 abonné·es

Tout un symbole. Le bâtiment du Pôle de coopération et d’initiative Sud Rhône-Alpes, nommé Pôle Sud, se situe à la jonction entre une zone industrielle et le quartier en difficulté de la Monnaie, à Romans-sur-Isère, ex-capitale de la chaussure. Le panorama se partage entre les dernières tours d’habitation, l’entreprise d’insertion des Jardins de cocagne, et des usines, avec en arrière-plan le massif du Vercors. Dans cet ancien siège d’industrie textile, sept associations et entreprises de l’économie sociale et solidaire (ESS) ont élu domicile depuis un an (voir encadré). L’une de ces entreprises, le groupe Archer, spécialisé dans l’insertion, est le premier employeur du quartier de la Monnaie, dont le taux moyen de chômage est de 30 % et atteint plus de 50 % chez les moins de 26 ans. Archer est aussi l’un des premiers employeurs du bassin d’emplois, avec plus de 1 200 personnes salariées en 2007, soit 270 équivalents temps plein.

« L’histoire en est encore à ses débuts, et le regroupement nous a déjà permis de mieux nous connaître, estime Éric Blondeau, correspondant local de la coopérative financière solidaire La Nef. On croise beaucoup plus souvent des partenaires potentiels, comme l’Association pour le droit à l’initiative économique (Adie) ou Initiative emploi Drôme-Vivarais. » Stéphane Maurin, responsable d’Arcoop, une coopérative d’activité et d’emploi qui fonctionne comme une couveuse d’entreprises, a son bureau tout près de celui de l’Adie. « Lorsque j’ai entendu qu’elle organisait une formation informatique pour ses porteurs de projet, j’ai proposé que des entrepreneurs d’Arcoop y participent. Il restait de la place, cela arrangeait tout le monde » , raconte-t-il. « Nous travaillons en coopération et entretenons ainsi une forme de convivialité, ajoute Raphaële d’Hérouville, directrice adjointe d’Archer. Nous sommes un point de retrait des paniers bios des jardins d’insertion du réseau Cocagne. Et la création d’un groupement d’achat est en projet. »

Mais l’enjeu de Pôle Sud dépasse la simple possibilité de mettre des projets en commun. En quelques années, le bassin d’emplois de la Drôme des collines (140 000 habitants autour de Romans et Bourg-de-Péage) a assisté au naufrage de son industrie du cuir et de la chaussure. En 2005, le chausseur de luxe Stéphane Kélian a tiré le rideau quelques jours avant que Charles Jourdan, le dernier fleuron, ne dépose le bilan. Les ateliers Jourdan restent clos, tandis qu’un fonds d’investissement suisse à capitaux venant du Costa Rica ne cesse de promettre des millions d’euros. Dans ce contexte, Pôle Sud incarne un projet atypique de relance de l’emploi. Dans le sillon du groupe Archer, investi depuis vingt ans dans l’insertion par l’activité économique à Romans, le Pôle de l’économie sociale et solidaire croit dans la capacité du territoire à trouver ses propres ressources pour son développement.
« Notre premier métier est d’être un sas vers l’emploi, raconte Raphaële d’Hérouville. Mais cette logique ne fonctionne pas si bien. Il faut aller au-delà, dans le champ du développement local. C’est-à-dire créer de l’activité et de l’emploi. » L’association Archer décide donc, en 2007, de se muer en société anonyme simplifiée, avec un comité d’éthique chargé de contrôler l’objectif socio-économique de l’entreprise. Depuis, une coopérative d’activité (Arcoop) est née et rassemble 25 entrepreneurs. La création d’Archer-Ardèche a suivi, et permis la reprise, avec la scop romanaise Veyret technique découpe, d’Adret, une coopérative en difficulté spécialisée dans le cartonnage. Ces structures sont aujourd’hui hébergées dans le nouveau siège social.
Au fil des installations au Pôle Sud, la représentation locale de la chambre régionale de l’économie sociale et solidaire Rhône-Alpes a accéléré le rapprochement autour d’Archer. Pour Rémy Le Perron, chargé de mission insertion à la ville de Romans et actionnaire du groupe Archer, « Pôle Sud représente [pour les institutionnels, ndlr] un acteur collectif qui a vécu un changement d’échelle capable de peser sur le développement économique local » . Mais il faudra attendre pour produire une culture sociale et solidaire commune, qui plus est en phase avec la dynamique impulsée par Archer.
Pôle Sud est cependant une belle rampe de lancement pour l’économie sociale et solidaire. Au point que le service de développement économique Romans/Bourg-de-Péage expansion a choisi ces organisations d’économie sociale et solidaire pour gérer une plateforme numérique à très haut débit, capable de répondre aux besoins des entreprises de la zone industrielle.

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