Dedans dehors

« El Otro », de l’Argentin Ariel Rotter, est une expérience sur le passage.

Ingrid Merckx  • 9 octobre 2008 abonné·es

Fallait y penser : démarrer un film par un exercice ophtalmo déclenche un effet de captation et une impression de fusion avec le personnage. Celui-ci, hors-champ, énumère les lettres qui rapetissent sur l’écran. L’homme (Julio Chavez), la quarantaine, apprend au cours de l’examen, pratiqué par sa compagne, qu’il va bientôt être père et qu’il est atteint de presbytie. Il rend ensuite visite à son vieux père et prend brutalement conscience, du fait des deux nouvelles précédentes, du temps qui passe et de la proximité de la mort. Cet examen, qui aurait pu n’être qu’un truc de mise en scène, induit et prolonge un changement de regard sur soi et sur le monde.

Dès lors, cet homme va tenter, à l’occasion d’un déplacement en province, d’être un autre pour échapper au face-à-face avec lui-même. Plusieurs fois, il changera d’état civil. Plusieurs fois, il côtoiera la mort. Plusieurs fois, il sera pris de panique, d’essoufflement. Et plusieurs fois il s’abîmera dans une contemplation énigmatique. Fixant des mains, des pieds, de la chair…
El Otro, deuxième long-métrage de l’Argentin Ariel Rotter, est moins un exercice d’extraction de soi qu’une expérience existentielle et cinématographique sur le passage : en dedans, en dehors de soi ; en dedans, en dehors du personnage.

Culture
Temps de lecture : 1 minute