Ordre et frivolité

Jean-Claude Renard  • 23 octobre 2008 abonné·es

Après huit décennies, on ne se refait pas. Âgé de 82 ans, François Morellet n’est donc pas né de la dernière averse. En témoigne cette exposition au musée Würth, à Erstein (Bas-Rhin), qui présente une quarantaine d’œuvres de l’artiste, exécutées entre 1960 et aujourd’hui. Comme une petite rétrospective, donc, qui livrerait la passion de Morellet pour les formes géométriques, les systèmes, les combinaisons, entre superposition, fragmentation, juxtaposition et interférences. Morellet est un joueur insatiable. Ça remet loin. À 22 ans, il entrait dans l’entreprise familiale de fabrication de jouets pour enfants. Il n’y reste guère longtemps, avant de découvrir l’œuvre de Duchamp, de s’attacher ensuite aux pigments de Mondrian. À l’orée des années 1960, il fonde avec quelques autres artistes le Groupe de recherche d’art visuel (le Grav). Au fil des maturations, vont se succéder lignes droites et courbes diagonales, les matériaux lumineux, les créations électriques, les mouvements ondulatoires, les installations interactives, l’introduction du ruban adhésif, les négatifs, les intégrations architecturales, les acrobaties des néons, les turbulences du hasard, les constructions piquées de perturbations.

Conçu avec la complicité de l’artiste, le parcours proposé par le musée Würth donne à voir la juste idée de représenter le monde chez l’artiste. Avec les compositions que sont Après réflexion, Débandade, Relâche, Répartitions aléatoires ou encore les Trois Doubles Trames, superposant trois lignes à 0°, 30° et 60°, cette dernière œuvre étant pour la première fois exposée dans son intégralité. Le titre de l’exposition, « Raison et déraison », indique clairement les motivations de Morellet, entre le sérieux et la désinvolture, entre l’ordre et la frivolité. Il interroge le support, l’espace, invite à une concentration du regard. Et, parallèlement aux œuvres de François Morellet, comme autant d’échos, le musée expose d’autres artistes, également versés dans l’art concret, pareillement gouvernés par un sens de l’humour. Non des moindres puisque se côtoient Tinguely, Duchamp, Arp et Klee.

Culture
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