« Revenir à l’intérêt général »

Le nouveau président du Ciriec, Alain Arnaud*, plaide pour la notion de service public et les valeurs de l’économie sociale.

Philippe Chibani-Jacquot  • 16 octobre 2008 abonné·es

Vous avez été élu président du Centre international de recherche et d’information sur l’économie publique sociale et coopérative (Ciriec France) en juillet dernier, qu’est-ce qui vous a conduit à prendre cette responsabilité ?

Alain Arnaud : J’ai été sollicité à un moment où le Ciriec n’était plus très audible. Il fallait redynamiser cette structure, qui a une double originalité par rapport à d’autres organisations qui réfléchissent sur l’économie sociale. D’une part, elle est en lien avec toute la partie recherche et universitaire ; d’autre part, elle a une dimension internationale et pas seulement européenne, en tant que membre du Ciriec international.
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Le Ciriec ne souffre-t-il pas des mêmes maux que l’économie sociale aujourd’hui, qui, après avoir oublié ses valeurs, se rend compte qu’il serait bon pour son image de les reprendre ?**

C’est vrai qu’à un moment donné il ne faut pas perdre de vue ce pour quoi les organisations de l’économie sociale ou de l’économie publique, au sens d’entreprise d’intérêt général, se sont créées. Pour l’économie sociale, c’est la solidarité, bien évidemment, la non-lucrativité, la gestion démocratique. Encore faut-il qu’il y ait un intérêt exprimé à réfléchir sur tel ou tel thème. On le voit en France et en Europe. Compte tenu de l’évolution de nos sociétés et des difficultés économiques, on perd de vue l’intérêt général, la notion de service public et un certain nombre de valeurs qui font qu’une société a besoin d’être bien organisée autour de ces notions et valeurs. Beaucoup de dirigeants, y compris de l’économie sociale, s’en sont éloignés et se trouvent happés par les logiques de marché.

De quelle manière le Ciriec va-t-il agir pour remettre
au premier plan ces valeurs de l’économie sociale ?

L’originalité du Ciriec est de développer des axes de recherche et donc de nous mettre en lien avec le monde universitaire. Nous allons créer un conseil scientifique, instance qui était prévue dans nos statuts, d’ailleurs. Nous avons déjà un groupe de recherche en économie sociale. Je pense qu’il serait intéressant de retravailler sur l’économie publique au moment où l’on parle de privatisation des services publics. Dans ce contexte, l’économie sociale risque de jouer le mauvais rôle de substitut au désengagement de l’État. Je pense notamment au secteur mutualiste, où les frontières sont en train de bouger entre le service public de l’assurance-maladie obligatoire et les complémentaires. Mais, parmi les complémentaires, il y a celles qui relèvent du secteur lucratif et celles qui relèvent du secteur non-lucratif. L’économie sociale a-t-elle vocation à se substituer au service public ? Je ne crois pas. Si nous arrivons à engager des réflexions sur ces sujets, ne serait-ce que pour avoir une bonne visibilité sur ce qui risque d’arriver, nous aurons fait œuvre utile.

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