Le défi du développement

Le tourisme responsable gagne en notoriété, mais reste un concept en construction. Un dossier spécial à lire dans notre rubrique **Eco/Social** .

Politis  • 8 janvier 2009 abonné·es

Le tourisme responsable, solidaire ou équitable, connaît une forte croissance. Les 23 membres de l’Association pour le tourisme équitable et solidaire (Ates) comptabilisent plus de 6 000 voyageurs en 2008, soit un doublement en trois ans. Les tour-opérateurs responsables certifiés par ATR (une association qui regroupe les opérateurs de ce tourisme) représentent 100 000 voyageurs par an. Les modes de voyage (treck, voyages culturels, circuits chez l’habitant, tourisme solidaire en France, agritourisme) se diversifient ainsi que les destinations. Le Maroc reste la destination phare (un tiers des voyages à l’Ates), mais l’offre s’étend maintenant sur les cinq continents, même en Europe avec, notamment, la Roumanie. Cet engouement révèle la prise de conscience que le tourisme, en tant qu’activité économique, ne peut se dédouaner de son impact sur le développement des pays visités. Le défi relevé par les voyagistes solidaires est de concilier une activité de loisir avec l’enjeu grave et complexe du développement des pays du Sud. Comme le souligne Alain Laurent, expert en tourisme durable, « le temps long de l’évolution des consciences et des comportements, le temps moyen des projets de développement (2 à 5 ans ou plus) et le temps rapide du tourisme (une saison) doivent s’accorder ».
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Faire un voyage solidaire représente aujourd’hui l’occasion d’être un touriste ouvert à la rencontre des hommes et de leurs réalités, de s’engager pour que l’économie du tourisme répartisse de manière plus égalitaire sa richesse. Mais c’est surtout adhérer à un concept en construction.
Qui fait du tourisme responsable et/ou solidaire ? Des tour-opérateurs commerciaux, des associations, des ONG… Autant d’acteurs qui ont à mélanger les genres et les compétences. Le simple coup de cœur entre un voyageur et un village d’Afrique ne suffit pas à créer une dynamique. La collaboration avec les organisations locales est indispensable pour réaliser un produit qui réponde aux attentes des touristes, aux besoins des populations hôtes et à une modification durable de la situation socio-économique du territoire. *« Pour monter des projets qui tiennent dans la durée, il ne faut pas vouloir aller trop vite, il faut laisser le temps à chacun d’assimiler ce que peut apporter le tourisme »
, explique Patrick Wasserman, de l’association Rencontre au bout du monde. Ainsi, il aura fallu sept ans de travail avec des ONG indiennes avant que cette association ne propose un circuit alternatif au Rajasthan, région symbole du tourisme de masse en Inde.
L’acteur institutionnel est encore trop souvent absent. Pourtant, souligne Henrio Dalbies, de l’Institut de coopération et de développement Afrique (ICD Afrique), membre de l’Ates : « On ne ferait rien dans le développement hydraulique, les transports ou l’agriculture sans validation par les pouvoirs locaux. » Dans le cas du tourisme, les initiatives privées entre une association occidentale et une communauté villageoise se passent souvent de cette intégration à une politique de développement local. Un écueil qui révèle la difficulté à présenter le tourisme alternatif comme pertinent auprès des pouvoirs publics des pays en développement. Toutefois, lors du 4e Forum international du tourisme solidaire (en octobre dernier à Bamako), la question a été largement débattue. Un espoir pour le développement ?

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