Colonna, forcément coupable

Est-il encore temps de remédier aux failles de la procédure ? Il est permis d’en
douter, tant ces lacunes sont conséquentes.

Christophe Kantcheff  • 26 février 2009 abonné·es

On a vu procès plus serein. Le 9 février, s’est ouvert le procès en appel d’Yvan Colonna – accusé du meurtre du préfet Érignac –, jugé devant une cour d’assises spécialement composée de magistrats professionnels pour les affaires de terrorisme. Et depuis ce jour, on ne compte plus les paroles viriles et les incidents de séance. Mieux : un spectaculaire coup de théâtre s’est produit le 13 février. Le fonctionnaire de police Didier Vinolas est venu dire, à la surprise générale, que deux hommes qui auraient participé à l’assassinat du préfet à Ajaccio en 1998 n’auraient jamais été inquiétés. Et cela en dépit du fait que leur identité est connue depuis au moins cinq ans par des hauts responsables de la justice et de la police. Didier Vinolas a ajouté qu’il avait envoyé une lettre à ce sujet au parquet général, transmise au président du tribunal Didier Wacogne, que celui-ci a reconnu ne pas avoir ouverte…

À la suite de ce témoignage, la cour a décidé de suspendre le procès pendant quatre jours (dont un week-end) pour un supplément d’information. Un délai suffisant pour remédier aux failles de la procédure ? On peut en douter. En effet, à la lecture du premier rapport que la Fédération internationale des droits de l’homme (FIDH) avait établi au lendemain du procès en première instance d’Yvan Colonna, qui s’était tenu fin 2007 et conclu sur la condamnation de l’accusé à la prison à vie, il apparaît que les lacunes à combler sont conséquentes. Selon les observateurs dépêchés pour l’occasion par la FIDH, il ressortait avant tout de ce premier procès que l’enquête policière et l’instruction avaient été menées systématiquement à charge, tout élément allant dans un autre sens étant soigneusement négligé. Et pour cause : l’exemple venait d’en haut. Dès l’arrestation d’Yvan Colonna en juillet 2003, le ministre de l’Intérieur de l’époque, Nicolas Sarkozy, ne l’avait-il pas désigné comme « l’assassin du préfet Érignac »  ? Il aurait fallu rompre avec cette logique du mépris de la présomption d’innocence et des droits de la défense pour que le deuxième procès puisse se dérouler dans un climat apaisé. Et que le sentiment de justice prédomine quand le tribunal prononcera son jugement.

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