Le grand chamboule-tout

Le comité Balladur suggère de révolutionner toute l’organisation territoriale de la France sans vraiment la simplifier. Ce qui était pourtant sa mission première.

Michel Soudais  • 26 février 2009 abonné·es

Au regard des propositions du Comité de réflexion sur la réforme territoriale, la réforme constitutionnelle adoptée en juillet risque de paraître bien anodine. À son installation, le 22 octobre, l’objectif assigné à ce comité, dont la présidence a une nouvelle fois été confiée à Édouard Balladur, pouvait sembler louable. Il s’agissait, par une réforme ambitieuse, de simplifier le « millefeuille » territorial. « Le moment est venu de poser la question des échelons des collectivités locales, dont le nombre et l’enchevêtrement des compétences sont une source d’inefficacité et de dépenses supplémentaires » , avait alors expliqué Nicolas Sarkozy.

Après quatre mois de travaux, les orientations que devrait préconiser le comité Balladur ne suppriment pas l’échelon départemental. Mais elles ne se contenteront pas pour autant d’un simple lifting de la carte territoriale de la France. Le Comité préconise un chambardement complet des institutions locales. Édouard Balladur en a donné lui-même les grandes lignes dans un entretien à L’Express, le 11 février : « Si l’on parvenait d’un côté à imbriquer élections départementales et régionales, et de l’autre élections communales et intercommunales, à simplifier les attributions des diverses collectivités, à créer huit grandes métropoles, à créer le Grand Paris de 6 millions d’habitants, alors ce serait une grande réforme » , confiait l’ancien Premier ministre.

Illustration - Le grand chamboule-tout

Le projet s’inscrit dans un mouvement général dont l’objectif est de réduire les dépenses publiques. Saget/AFP

Le comité ne suggère pas seulement de modifier ici et là les frontières de régions et de fusionner quelques départements. Il préconise aussi de modifier la hiérarchie de nos institutions locales, privilégiant l’intercommunalité à la commune, la région au département. Ce qui ne va pas sans une redistribution des compétences ni une refonte de la fonction publique territoriale. Son projet s’inscrit ainsi de fait dans le mouvement général de la RGPP, la réforme générale des politiques publiques, dont l’objectif ­premier est de réduire les dépenses publiques. Personne n’y échappe. Pas même les élus. Le remplacement des conseillers généraux et régionaux par des « conseillers territoriaux » permettrait de réduire leur nombre de 6 000 à 4 000.

Ce « big bang » des territoires suscite déjà de multiples levées de bouclier. D’élus de toutes tendances dans les régions promises à un dépeçage, de syndicats de fonctionnaires territoriaux… Le PS n’est pas en reste, qui craint que l’UMP ne cherche à travers ce projet à déstabiliser ses positions.
Ces réactions catégorielles risquent toutefois de passer à côté de l’essentiel. En privilégiant l’agglomération et la région, le projet Balladur transforme la commune en une simple subdivision administrative. Dépourvue de fiscalité propre, son budget ne dépendrait plus que de subventions négociées avec les échelons supérieurs, énormes machines éloignées des citoyens. Privée ainsi d’autonomie, la commune, lieu de base de la construction du lien politique depuis la Révolution, est menacée. À l’heure de la gouvernance triomphante, ce n’est sans doute pas un hasard.

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