Une économie postcoloniale

Héritage de la société coloniale, les richesses dans les DOM restent concentrées entre les mains de quelques familles, généralement descendantes des grands propriétaires des plantations.

Olivier Doubre  • 26 février 2009 abonné·es

Françoise Vergès rappelait dans un ­article paru dans Mémoire postcoloniale en France [[Sous la direction de Nicolas Bancel et Pascal Blanchard,
Autrement, 2008.]] et intitulé « Territoires oubliés, mémoires troublées » combien les sociétés qui avaient connu l’esclavage souffraient toutes d’un « retard » économique et social certain. Depuis l’abolition de l’esclavage en 1848 (pour laquelle les propriétaires d’esclaves ont été « dédommagés » par l’État pour la perte de « valeurs » subie), puis la « départementalisation » de 1946, qui a fait des habitants (et donc des anciens esclaves) de ces quatre territoires des Antilles et de la Guyane des citoyens français, la structure économique de la Guadeloupe est néanmoins restée peu ou prou inchangée.

Les békés, descendants des propriétaires des grandes plantations, continuent d’avoir, dans une écrasante proportion, la mainmise sur l’économie : il n’y avait qu’à regarder la photo d’une réunion du patronat guadeloupéen que nous avons publiée il y a deux semaines (voir Politis n° 1039, p. 17) pour s’apercevoir qu’il est uniquement composé de Blancs… Ayant pu s’adapter aux évolutions de la société du fait de leur capacité financière, ceux-ci contrôlent aujourd’hui les secteurs de la grande distribution, du tourisme ou de la distribution d’hydrocarbures, en somme tout ce qui fait « tourner » l’économie locale. On comprend ainsi pourquoi la grève a, en premier lieu, touché ces secteurs, avec des blocages de stations-service et de supermarchés, mais cela explique aussi que ressurgissent discrètement des rancœurs anciennes.
Toutefois, le collectif LKP a choisi de ne pas mettre en avant des revendications identitaires, autonomistes, voire indépendantistes, pour certains de ses membres. Car ce sont bien le coût de la vie et la faiblesse des salaires (cf. encadré), outre des taux de chômage record, notamment parmi les jeunes, qui ont fait s’embraser la Guadeloupe, l’un des départements où les prix des produits sont les plus chers de France, puis les autres DOM. Ainsi, alors qu’en métropole une baguette de pain coûte en moyenne 0,85 euro, elle vaut à Pointe-à-Pitre… 2 euros ! Les légumes ont des prix trois ou quatre fois supérieurs à ceux qui se pratiquent à Paris. Quant aux produits manufacturés, leurs prix peuvent être deux à trois fois supérieurs à ceux de la métropole. Une situation qui ne peut plus durer.

Publié dans le dossier
Dom-Tom : Le temps des colonies
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