Une mine de papier mâché

La crise de la presse trouve notamment ses origines dans les contraintes économiques. De la fabrication à la distribution, celles-ci sont difficiles à contourner.

Jean-Claude Renard  • 12 février 2009 abonné·es

On connaît cette expression bien journalistique : les chiffres parlent d’eux-mêmes. Le plus gros tirage d’un quotidien français est celui de Ouest France, avec près de 800 000 exemplaires. Au rang mondial, c’est la 77e place. Depuis 2000, la presse d’information générale et politique a perdu environ 10 % de ventes au numéro, selon la Direction du développement des médias. Les Nouvelles messageries de la presse parisienne (NMPP) ont le monopole de la distribution (détenues aujourd’hui à 49 % par le groupe Lagardère, à 51 % par les coopératives), difficile à contourner par les éditeurs.

L’Hexagone compte presque 30 000 points de vente pour la presse quotidienne nationale. Les kiosquiers ploient sous le nombre de titres, exercent dans des conditions déplorables. En 2007, les NMPP ont entamé un plan de modernisation, avec la création de 570 points de vente. Insuffisant quand chaque année 500 kiosques ferment boutique. Le défaut de distribution s’observe surtout le dimanche. Même à Paris, il est difficile de trouver un journal, tandis qu’en Angleterre ou en Italie, cette journée est justement la meilleure de la semaine.

À côté de la diffusion, on trouve d’autres contraintes économiques. Le prix du papier, d’abord. À titre d’exemple, celui de Politis a augmenté de 4,25 % en janvier. Le coût d’impression est aussi contraignant. Comme le rappelait Libération dans son édition du 24 janvier, l’impression de 30 000 exemplaires du Herald Tribune en Grande Bretagne coûte 2 334 euros. Elle en coûterait 3 845 en France (et 1 661 en Allemagne).

Au sombre tableau économique, puisant dans le budget des rédactions, s’est ajoutée la concurrence : la presse gratuite, entièrement financée par la publicité. À lui seul, Métro tire à plus de 2 millions d’exemplaires. Pas de contenu mais une concurrence à la presse traditionnelle. Tout comme les journaux en ligne, payants ou gratuits, avec ou sans pub. La pub, colonne vertébrale des équilibres financiers, et qui décroît chaque année, filant vers le web et la TNT.

Bout à bout, voilà donc une presse étranglée. Qui se maintient en partie grâce aux aides de l’État pour la presse d’information politique et générale : des réductions tarifaires pour le transport (60 % des coûts), des tarifs postaux préférentiels (28 % d’abattement), une TVA à 2,1 % sur les recettes de vente (contre 5,5 % pour les autres titres).

Dans ce contexte fébrile, ont été décrétés les États généraux de la presse en octobre dernier par Nicolas Sarkozy. Soldés par un Livre vert comprenant 90 propositions. Le Président en a repris quelques-unes, débloquant 600 millions d’euros sur trois ans : la hausse des prix des tarifs postaux est reportée d’un an ; la communication institutionnelle de l’État dans la presse passe de 20 à 40 % ; les cotisations sociales des marchands de journaux sont réduites de 30 % (soit 4 000 euros d’économie par an) ; côté distribution, le portage serait largement encouragé. En chantier, la modernisation des imprimeries pour diminuer les coûts. Remarque : les mesures sont techniques, s’adressent aux éditeurs, non pas aux journalistes. Foin d’une remise en question des contenus, des attentes du lectorat.

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