Allo salé

Chaque soir, Omar et Fred livrent le « Service après-vente des émissions ».
Un jeu de rôles politiquement incorrect.

Jean-Claude Renard  • 12 mars 2009 abonné·es

À deux, c’est mieux. A fortiori au téléphone. Tel est le cas d’Omar et Fred, assurant sur Canal +, chaque soir de la semaine, le « Service après-vente des émissions ». À tour de rôle, et en deux minutes, l’un endosse la position de standardiste placide, l’autre d’interlocuteur, qu’en a toujours à redire, reprendre, s’étonner, éructer, s’interroger sur le monde, la télévision et ses images, le discours politique et les petites réflexions de trottoir qui valent bien des brèves de comptoir.

C’est, au reste, un jeu de rôles. Lapidaire, cocasse, furibard, ironique, grossier sans être vulgaire, aux aguets de l’actualité des médias et de la politique, l’humour noir marqué à la culotte. Au ton impertinent.
Dans cette cosmogonie, tout y passe, où tout le monde y passe. À commencer par les figures récurrentes : Jean Legain, humoriste pathétique, François le Français, cocardier, ou encore un pilote de ligne dilettante. Rocco Siffredi possède bien sûr les attributs de choc pour vivre en rocambole. Tata Suzanne, en bonne compagne tutélaire, militante du gang bang, est rarement avare de conseils pénétrants, les deux compères affichant ouvertement un parti pris homosexuel, revendiquant le droit de s’envoyer en l’air avec Hamed, aux soirées priapiques. À côté, Paris Hilton et Pamela Anderson sont évidemment des cibles de choix quand il s’agit d’être salace. Les trublions cinglent les animations aux substances illicites de Jean-Luc Delarue, les torts et travers violents de William Leymergie, les programmes de TF 1 ou la médiocrité d’un Courbet. Du question-réponse corrosif.

Épaulés pour ces textes et répliques courtes par Bertrand Delaire, Omar Sy et Fred Testot se défendent de tout message politique. Il n’empêche. C’est là qu’ils sont les plus cinglants et clairvoyants dans le décryptage. « Des mineurs pourraient aller en prison à 12 ans ? Comme ça, on leur apprendra à être honnêtes, ils ne seront pas banquiers ! Renvoyer un sans-papiers coûte 21 000 euros ? Et s’il reste en France, c’est combien ? Ben, rien du tout ! Total a fait 14 milliards de bénéfices ? J’imagine qu’ils vont pouvoir licencier ! La Guadeloupe, c’est bien la France ? Oui. Alors pourquoi on nous laisse tomber ? Parce que vous êtes noirs ! » S’y ajoutent au gré du fil les expulsions d’Hortefeux, la collaboration recommandée par Besson, les discriminations raciales, le droit au logement… Rien de politique en somme.

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