Certains droits s’arrêtent à la porte des entreprises

Les dirigeants d’entreprise disposent d’un arsenal judiciaire pour se protéger.
Mais les salariés mis en danger sur leur lieu de travail peuvent-ils se défendre ?

Thierry Brun  • 30 avril 2009 abonné·es

«On les retient vingt-quatre heures, et on risque vingt ans de prison », fustige, amer, le secrétaire CGT du comité d’entreprise de Molex. La séquestration de patrons entre en effet dans la catégorie de délits reconnus par la loi et sanctionnés pénalement comme professionnellement. Les salariés de Continental, eux, s’attendent à des poursuites judiciaires après le saccage de leur lieu de travail. De même, le tribunal de grande instance de Grenoble a condamné dix-neuf salariés de Caterpillar pour occupation illicite, leur ordonnant de laisser libre l’accès à l’usine grenobloise, sous peine de payer chacun 200 euros d’astreinte par jour. En substance, a dit François Fillon, les coupables doivent être châtiés de façon exemplaire.

L’arsenal judiciaire souvent utilisé contre l’intensification des luttes pour sauver les emplois accentue le sentiment d’injustice chez des salariés désespérés pour avoir subi une dégradation généralisée de leurs conditions de travail. Or, remarque la sociologue et directrice de recherches à l’Inserm Annie Thébaud-Mony, dans un livre très argumenté [^2], ce sentiment d’injustice vient notamment du fait que certains droits fondamentaux s’arrêtent à la porte des entreprises. En particulier les atteintes à la vie, à la santé et à la dignité des salariés, ce qui relève « de la mise en danger délibérée d’autrui dans les choix d’organisation et de conditions du travail ainsi que dans les politiques publiques les rendant légitimes ».
Dans ces rapports de domination et d’exploitation, « les stratégies de résistance, individuelles et collectives, informelles ou organisées, sont constamment en butte à des formes impitoyables de répression » , explique la sociologue, qui pose cette question fort dérangeante : « Est-ce le travail qui tue ou ceux qui, autour des tables ovales des conseils d’administration, décident de son organisation ? » Ce qui revient à s’interroger aussi sur la création d’un tribunal pénal international du travail.

 

[^2]: Travailler peut nuire gravement à votre santé, Annie Thébaud-Mony, La Découverte, 2008.

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"Nous ne sommes pas à vendre !"
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