Gandrange : les promesses de Sarkozy à l’épreuve de la réalité

Une semaine après sa fermeture, seuls 48 des 339 salariés licenciés de l’aciérie de Gandrange auraient été reclassés, selon la CGT. De son côté, la direction annonce qu’une solution a été proposée à 85 % des 571 salariés concernés sur l’ensemble du site d’ArcelorMittal. Intérimaires et sous-traitants payent l’addition au prix fort.

Xavier Frison  • 6 avril 2009 abonné·es
Gandrange : les promesses de Sarkozy à l’épreuve de la réalité

« Au plus haut niveau de l’Etat, on s’engage pour pas vous laisser tomber » . Le 4 février 2008 au matin, devant les caméras, Nicolas Sarkozy promettait dans son inimitable style faussement populaire de ne pas « laisser tomber » les salariés d’ArcelorMittal à Gandrange, en Moselle (voir vidéo). Une semaine tout juste après la fermeture de l’aciérie, le 31 mars dernier, le bilan de cet « engagement » est calamiteux. « Le compte n’y est pas » , constate sobrement Jacky Mascelli, délégué CGT, élu au comité d’entreprise de ArcelorMittal Gandrange. « Pour ce qui concerne la seule aciérie, sur 339 salariés, 63 vont partir en retraite. 13 se sont débrouillés seuls en trouvant un autre employeur, ou en montant une activité. Pour une cinquantaine de personnes, il n’y a pas eu la moindre proposition, rien, pas une Offre valable d’emploi (OVE), malgré les engagements pris. En réalité, seuls 48 aciéristes ont effectivement été mutés. Bien sûr la direction avance d’autres chiffres en se basant sur les OVE transmises aux gens, mais nous on comptabilise un reclassement quand le salarié a son contrat signé dans la poche, pas avant. »

Selon la direction, justement, c’est « 85 % des 571 salariés concernés par les suppressions d’emploi sur le site de Gandrange à qui on a proposé une solution » , entre reclassement sur les sites d’Arcelor à Florange ou au Luxembourg, aides à la retraite ou à la création d’activité. Un porte-parole du groupe affirme également que « tous les salariés concernés qui n’ont pas encore été reclassés ou n’ont pas encore reçu de propositions resterons employés sur le site de Gandrange jusqu’à ce qu’on leur trouve une solution. Il peut bien sûr y avoir des délais mais nous prenons des engagements fermes. Personne ne sera laissé au bord de la route. »


Moins visibles, les intérimaires sont durement touchés : « En tout, une centaine d’intérimaires ont été licenciés sur Gandrange, et 300 sur le site d’Arcelor à Florange » , comptabilise Jacky Mascelli. Du côté des sous-traitants, même soupe à la grimace. Pourtant, Nicolas Sarkozy avait des mots rassurants pour tout le monde, le 4 février 2008 : « Pour moi, l’objectif c’est qu’on trouve une solution, totale ou partielle, pour maintenir l’outil de production qui permettra de faire vivre derrière les sous-traitants. » Caramba, encore raté. « La soixantaine de sous-traitants qui interviennent sur le site souffrent , observe Jacky Mascelli. Multiserv a viré beaucoup d’intérimaires et a commencé les licenciements. Ils ont d’ailleurs des difficultés sur d’autres sites, comme à Florange. Sotrasi a licencié 22 personnes, soit la totalité des effectifs. TFN, une entreprise de nettoyage, a déjà licencié 4 ou 5 salariés. ABserv, qui s’occupe de l’évacuation de déchets industriels, licencie aussi. Au total, ça fait déjà une centaine de licenciement pour toutes ces entreprises. »

L’aciérie fermée, ne restent que les deux laminoirs pour faire vivre le site de Gandrange. Problème, la fermeture du premier, qui occupe une centaine de salarié, est prévue au 31 décembre 2009. Quand au second, « la direction nous dit qu’il sera pérennisé, mais on ne partage pas cet avis » , prévient Jacky Mascelli. Alimenté jusqu’à présent par l’acier du site, ce laminoir doit désormais faire acheminer sa nourriture depuis l’autre côté de la frontière, en Allemagne. « Soit, avant même d’avoir commencé à travailler, un coût supplémentaire de 20 à 30 euros la tonne » . Exorbitant.

Autre signe qui n’incite pas à l’optimisme, la plupart des salariés du site de Gandrange vont subir 13 jours par mois de chômage forcé en avril, mai et juin. « Pour le troisième trimestre, les deux installations restantes vont fermer en août et on s’attend encore à du chômage partiel en juillet et septembre » , estime Jacky Mascelli. Sombre présage.

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