Lettre ouverte à Philippe Val

Siné  • 9 avril 2009 abonné·es

Si je te tutoie, ce n’est pas pour les mêmes raisons que Jacques Prévert, qui disait « tu » à tous ceux qu’il aimait. Moi, je te dis « tu » bien que je ne t’aime pas, seulement par habitude.
On se connaît depuis quinze ans, époque où, à la Grosse Bertha , tu n’étais qu’un pigiste comme nous tous. L’appétit de pouvoir te dévorait déjà et, dès la création de Charlie Hebdo , qui suivit notre éviction de la Grosse, un Charlie Hebdo 2e manière, sans le brave Choron cette fois, tu t’es immédiatement autoproclamé « rédacteur en chef » avec la complicité de ton vieux copain et admirateur, Cabu.

Avec le titre, tu héritais de vieux monuments comme Cavanna, Gébé, Wolinski et moi, que tu ne portais déjà pas dans ton cœur à cause de mes idées trop gauchistes à ton goût petit-bourgeois. Mais tu n’avais pas encore assez de pouvoir, ni de couilles, pour virer un « historique ».
J’ai échappé, durant les quinze années qui ont suivi, à ta morgue, à ta suffisance et à ton autoritarisme car je ne mettais pratiquement jamais les pieds au journal, envoyant toutes mes chroniques par courrier électronique.
Je lisais cependant tes éditos, qui me tombaient, le plus souvent, des mains tellement j’avais l’impression de recevoir des leçons de morale à la con, dans ton célèbre style « magistral » insupportable. Ta sempiternelle référence aux « Lumières » et à Spinoza me cassait irrésistiblement les couilles ! Mais je faisais avec, moyennant, tout au moins au début, une paix royale.

Ton inqualifiable conduite envers ton vieux complice Patrice Font, les licenciements de tous ceux qui osaient t’affronter, tes prises de position pendant la guerre du Kosovo, ton acharnement à prôner le « oui » à l’Europe, ton arabophobie et ton philosémitisme maladifs, ta haine radicale de tous les gauchistes et beaucoup d’autres aberrations, dont la pire était le soutien inconditionnel à la politique criminelle d’Israël, à son armée soi-disant défensive et ses exactions inhumaines… toute cette accumulation de mauvaise foi, de parti pris, de mensonges, ajoutée à ton admiration sans bornes pour un tas de gens qui me puent au nez, BHL, Finkielkraut, Pierre-André Taguieff, Caroline Fourest et consorts, m’a fait te considérer, petit à petit, comme un ennemi et te ranger dans le camp des salauds.

Le coup de grâce est ta nomination, probable, à la tête de France Inter ! Superbe renvoi d’ascenseur de notre Président-Tout-Puissant, qui te remercie, ainsi, de ma brutale éviction d’il y a six mois pour avoir osé attaquer son foutu rejeton. « Antisémitisme » mon cul ! La ficelle était tellement grosse que même le tribunal n’y a pas cru !
Je ne t’écris pas tout ça avec joie mais avec dégoût et écœurement. Je pense avec tristesse à Cavanna et à son titre auquel il tenait tant !
Philippe, tu salis tout ce que tu touches ! J’avais écrit de Jean Sarkozy : « Il ira loin, ce petit ! » Toi aussi, tu iras loin, mais dans l’ignominie !

Publié dans le dossier
Alimentation : Bien manger, manger tous
Temps de lecture : 3 minutes