L’imagination au pouvoir

L’une des cibles favorites de Philippe Val est Noam Chomsky. Et le patron de « Charlie » ne recule pas devant la calomnie.

Sébastien Fontenelle  • 9 avril 2009 abonné·es

Comme Bernard-Henri Lévy, Philippe Val use régulièrement, pour défendre sa philosophie, d’un procédé d’une rare délicatesse : le procès en antisémitisme, en négationnisme, en nazisme. L’une de ses cibles de prédilection est Noam Chomsky – qui présente l’avantage, considérable, qu’il ne risque pas de répondre, de Boston (Massachusetts), où il réside et travaille, aux calomnies dont l’accable régulièrement le patron de Charlie : l’insulteur peut ainsi (se) donner à peu de frais l’impression de se mouvoir aux mêmes hauteurs intellectuelles que l’insulté. Au mois de juin 2002, Val lâche, dans un éditorial resté fameux, une première salve : Chomsky, écrit-il notamment, est « l’un de ces Juifs qui exercent contre Israël une critique d’autant plus violente qu’en tant que Juif il pense pouvoir échapper à l’accusation d’antisémitisme » . Dans la vraie vie, naturellement, c’est parce qu’il n’est pas le moins du monde antisémite que Chomsky peut échapper à cette accusation. Mais ce minuscule détail n’est pas de nature à brider l’imagination de Val, qui ajoute que l’un des plus grands intellectuels vivants cherche « à relativiser le génocide khmer en le comparant à la situation au Timor-Oriental » . C’est, là encore, totalement inexact : Chomsky s’est borné à souligner que les massacres de masse commis au Timor ont été moins vigoureusement dénoncés que le génocide cambodgien – ce qui est parfaitement vrai. Mais qu’importe : en mars 2007, Val énonce qu’ « Hitler par deux fois fait allusion au génocide arménien pour y adosser son action » puis que Chomsky, de son côté, «  est un négateur du génocide cambodgien » . Et de préciser, pour qui n’aurait pas bien saisi le message, que « les génocides sont liés entre eux par leurs négateurs » . Un même mensonge, cent fois rabâché, peut-il faire une vérité ? C’est ce que semble espérer le big boss de Charlie , qui répète en septembre 2007 que Chomsky a « nié le génocide khmer » . Et qui redit, le 4 mars 2009, que Chomsky « a prétendu qu’il y avait de sérieux doutes sur la réalité » de ce génocide. Le journalisme est, certaines fois, l’école de la rigueur.

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