Orelsan : la polémique

Christophe Kantcheff  • 9 avril 2009 abonné·es

Deux ans pour s’en apercevoir : le rappeur Orelsan a mis en ligne le clip de sa chanson « Sale Pute » il y a deux ans, mais c’est seulement maintenant que deux ministres, Valérie Létard, secrétaire d’État à la Solidarité, et Christine Albanel, ministre de la Culture, ont appelé « à la responsabilité des dirigeants des sites de vidéo en ligne pour qu’ils retirent immédiatement » ladite chanson. Le PS a fait la même demande, et en a rajouté dans la surenchère, exigeant qu’Orelsan soit déprogrammé du Printemps de Bourges, qui se déroulera du 21 au 26 avril. Le président du conseil régional du Centre, François Bonneau (PS), menace même la manifestation, que la région cofinance, de retrait de subventions si le rappeur n’est pas interdit de scène. L’association Ni putes ni soumises, qui n’en rate jamais une, a évidemment emboîté le pas, précisant qu’elle appellerait à boycotter le Printemps de Bourges si Orelsan s’y produisait. Et pour couronner le tout, la Grande Loge féminine de France a demandé à la ministre de la Culture l’application de poursuites judiciaires.

Devant toutes ces demandes officielles de censure, les sites YouTube et Dailymotion ont limité l’accès au clip aux plus de 18 ans (une barrière techniquement relative), et le Printemps de Bourges a annoncé qu’il ne déprogrammerait pas le rappeur. Cela dit, deux concerts d’Orelsan ont déjà été annulés, à Poitiers et à Cluses (Haute-Savoie). Pourtant, « Sale Pute » n’est plus au répertoire du rappeur depuis des mois, qui ne compte pas l’y remettre, même pour le Printemps de Bourges.

Tous ces appels décomplexés à la censure (voire à la pénalisation) d’une chanson ou d’un artiste ne sont pas seulement liberticides, ils favorisent la polémique expéditive. A contrario, le visionnement du clip incriminé, et de tout ce qui est disponible sur les sites de vidéo en ligne concernant Orelsan (clips, chansons et interviews), permet de constater, par exemple, que la violence sexiste des paroles de « Sale Pute » ou d’une autre chanson au même registre, « J’aime pas la Saint-Valentin », est mise en scène dans une fiction réaliste pour la première, dans une parodie pour la seconde. D’entendre par exemple dans des chansons (« la Peur de l’échec », « Changement ») du premier album récemment sorti, Perdu d’avance , la description crue de la désespérance d’une jeunesse qui passe aussi par une autodérision incisive. On peut détester les chansons d’Orelsan, mais elles relèvent incontestablement d’un projet artistique.

Culture
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